La ministre Barbara Pompili veut que les distributeurs de produits pétroliers réduisent leurs marges, pour contribuer à limiter la hausse de prix sur les carburants et elle devrait réunir les distributeurs dans les prochains jours des négociations qui s’annoncent tendues. Car l’Etat ne joue pas vraiment le jeu dans cette affaire…
Plus de 60% de taxes
Hier, le litre de gazole était facturé plus de 1,58 euros à la pompe, un record. Or, ce prix intègre davantage de taxes que de coût de production, de raffinage et de distribution. Les taxes sont même le composant le plus lourd (et le moins volatil) de ce produit. L’information n’a rien de secret: elle est même disponible sur le site du ministère de l’Economie. Elle décompose le prix d’un litre de carburant. Qu’y apprend-t-on? Que sur un litre de pétrole, le coût de la distribution ne pèse que 7,7%. Mais que les taxes pèsent, elles, plus de la moitié du prix de vente… Des chiffres qui sont confirmés par Total, le principal distributeur professionnel en France, qui explique que « 30 % du prix du carburant sans plomb 95-E10 ou du diesel » correspondent au prix de la matière première, le pétrole et au coût du raffinage. Les taxes? Les deux principales, la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) représentent plus de 61% du montant d’un litre de sans plomb 95 et plus de 58% de celui d’un litre de gazole.
Des marges au compte-gouttes
Francis Pousse, le représentant des propriétaires indépendants de stations-service, détaillait ce mercredi 13 octobre sur Europe 1: « Vous avez sur le gasoil 66 centimes de TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, NDLR), que l’on rajoute à la TVA. On peut estimer qu’aujourd’hui, un litre de gasoil rapporte entre 80 et 90 centimes à l’État. » Et la distribution, sur laquelle la ministre appelle à faire des efforts, combien pèse-t-elle? Rien! Ou presque… Le transport, le stockage et la mise à disposition de stations-services ne représentent qu’environ 7% du prix du sans plomb 95 et 7,5% du prix du gazole. Et, puisque la ministre a appelé les distributeurs à faire des efforts sur leurs marges, de quoi parle-t-on? La marge nette des distributeurs, avant impôt, n’est qu’une fraction de ces 7%. En réalité, elle ne représente qu’un centime d’euro par litre de sans plomb ou de gazole retiré en station, soit moins d’1% du prix à la pompe. C’est donc sur ce 1 centime que l’Etat, qui collecte donc, lui, presque un euro, appelle les industriels à faire des efforts…
Pour faire réellement baisser les prix, il faut que le gouvernement baisse ses taxes, explique Francis Pousse: « l’État qui doit prendre ses responsabilités ». Dans la foulée, Marine Le Pen, candidate du RN à l’Elysée, a proposé d’abaisser la TVA sur l’essence, le gaz et l’électricité à 5,5% au lieu de 20%, pour apporter aux ménages français un « choc de pouvoir d’achat », et à gauche, Jean-Luc Mélenchon (LFI) a proposé un blocage des prix de l’énergie, Anne Hidalgo (PS) une baisse de la taxe sur les carburants et Arnaud Montebourg (ex-PS) une baisse de TVA à 5,5% sur l’énergie.
Des engagements européens
La réaction du gouvernement est très embarrassée. Ce mercredi, sur BFM et RMC, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a annoncé que le gouvernement étudiait des « mesures de protection » pour les Français. Parmi les deux pistes étudiées, la création d’une aide spécifique et la baisse des taxes, il a aussitôt écarté la deuxième en disant « on n’en est pas là aujourd’hui ». Et pour le moment, « la décision n’est pas prise ». Pourquoi ne toucherait-on pas aux taxes. Parce qu’elles sont vitales pour l’équilibre du budget. Mais pas seulement. Elles sont intouchables parce que l’Etat est coincé par ses engagements.
Le « pacte vert » présenté en juillet dernier par la Commission européenne prévoit d’augmenter les taxes sur les énergies fossiles, et donc le pétrole, pour décourager leur utilisation au profit des renouvelables et parvenir plus vite à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 d’au moins 55% par rapport au niveau de 1990. Le problème, c’est que cet engagement, qui conduira à une hausse des taxes sur le pétrole, est, comme lui, hautement inflammable: c’est autour du prix des carburants, rappelons-nous, que le mouvement de protestation des gilets jaunes s’est structuré.
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