Tribune. En cent vingt ans d’histoire, jamais le comité du prix Nobel de la paix n’avait reconnu le rôle du journalisme. L’attribution du Prix 2021 à Maria Ressa et Dmitri Mouratov, qui ont fondé respectivement le site d’investigation Rappler aux Philippines et le journal Novaïa Gazeta en Russie, est un hommage à « leurs efforts pour sauvegarder la liberté d’expression, pré-condition de la démocratie et d’une paix durable ». Un message puissant, au moment où le journalisme est en danger, du fait des régimes despotiques et autoritaires, mais aussi du bouleversement technologique et de ses conséquences économiques.
« Le journalisme libre, indépendant et fondé sur les faits sert à protéger contre les abus de pouvoir, les mensonges et la propagande de guerre », explique le jury. A défaut, « il sera difficile de promouvoir la fraternité entre les nations, le désarmement et un meilleur ordre mondial ». Pour y parvenir, il ne s’agit pas seulement de défendre la liberté d’expression, mais aussi de défendre les responsabilités particulières attachées au journalisme, ses méthodes professionnelles et ses règles éthiques. Lesquelles sont fragilisées du fait de la pression concurrentielle et trahies par les manipulations volontaires.
Un sentiment de joie
Lancée en 2018 à l’initiative de Reporters sans frontières (RSF), la commission sur l’information et la démocratie, dont Maria Ressa fut une membre très active, a édicté des principes pour les plates-formes numériques et les réseaux sociaux, considérés désormais comme des « entités structurantes ».
Dans une période d’explosion de la communication où la « définition » des journalistes était devenue confuse, nous avons aussi posé une exigence : « La fonction sociale du journalisme est d’assurer un rôle de “tiers de confiance” des sociétés et des individus ». Une fonction de sécurisation de la véracité, de l’indépendance, et du pluralisme de l’information.
La commission, composée notamment de plusieurs lauréats du prix Nobel, assurait que « le journalisme n’a pas vocation à présenter uniquement les événements, mais il doit aussi s’attacher à exposer les situations et les évolutions, de façon complète et inclusive, permettant au public de distinguer l’important du futile. Il lui revient de refléter les aspects positifs et négatifs des activités humaines et de présenter de manière constructive les solutions envisageables pour répondre aux grands défis de l’humanité. » C’est cette fonction sociale qu’il s’agit désormais de conforter.
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