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« Que l’anglais soit la langue de l’entente européenne relève de l’aberration »

Tribune. Ce n’est pas céder au complotisme, mal d’une époque que l’information affole, que d’interpeller nos représentants français et européens sur leur abdication face à l’usage incontinent de l’anglais, tant dans les travaux de la Commission que dans les séances solennelles du Parlement, pour ne rien dire de la communication de l’Union européenne (UE) à l’extérieur.

Alors que le Royaume-Uni a quitté celle-ci, plus que jamais l’anglais s’impose comme véhicule exclusif des travaux intra-européens, au mépris des statuts, qui prévoient trois langues officielles (l’anglais, le français, l’allemand). Je ne suis certes pas le premier à dénoncer un tel état de fait, qui revêt, dans le contexte d’aujourd’hui, un aspect monstrueux et ubuesque.

Cette situation est d’abord absurde, puisque l’anglais n’est plus la langue maternelle que de 1,5 % des Européens (les Irlandais et les Maltais), pesant moins de 20 députés sur l’ensemble du Parlement (705) ; elle est ensuite intellectuellement déplorable, en ce qu’elle substitue au nuancier de nos langues un monolinguisme rabougri, bien des Européens crucifiant leur discours sur un baragouin « globish » : ce totalitarisme linguistique n’augure rien de bon quant aux résultats issus de délibérations préemptées par la pauvreté lexicale, le préjugé et l’impensé.

La tiédeur amniotique d’un impérialisme soft

Ce n’est pas l’anglais comme tel qui est en cause ; c’est son avatar raccourci, aussi sommaire que bourré de politique. Enfin, et c’est encore plus grave, lorsque Ursula von der Leyen prononce son discours sur l’état de l’Union à Strasbourg en anglais (à plus de 80 %), elle s’adresse de facto aux Américains et aux Anglais, bien plus qu’aux Européens.

De la part de leurs représentants, un tel masochisme politique laisse sans voix. Après avoir, pendant un demi-siècle, tout fait pour torpiller la construction européenne de l’intérieur, la Grande-Bretagne y laisse en dépôt, avec ses sarcasmes, son idiome ! Peu de citoyens, semble-t-il, sont sensibles à ce scandale d’ironie.

En vérité, nous baignons depuis si longtemps dans la tiédeur amniotique d’un impérialisme soft, qui s’est emparé de nos mots, de nos images et de nos sons, qu’au lieu de nous interroger nous nous en voulons de ne pas être tout à fait dans le ton, bref de ne pas être de bons Anglo-Saxons natifs.

Ramener l’usage de l’anglais en Europe à plus de mesure

Sans doute ni les Américains ni les Anglais ne sont nos ennemis et, à choisir un mal, mieux vaut sans doute le moindre : l’empire américain est sûrement moins néfaste que le chinois qu’il redoute, mais mieux vaudrait pas d’empire du tout. Une douce chimère sans doute, tant que l’anglais domine exclusivement nos discours et notre imaginaire et que l’Europe reste un fœtus.

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