Il mesure à peine 50 centimètres mais c’est peut-être l’avenir de la forêt française: le métaséquoïa, venu de Chine, est l’une des espèces prometteuses plantées en forêt d’Orléans pour tester la résistance des arbres au changement climatique.
Il y a urgence, tout le monde le dit, et les arbres les premiers: ici un pin sylvestre penche la tête, les aiguilles rougies, là un chêne souffre, perd son écorce.
Pour éviter que les forêts françaises ne dépérissent, les spécialistes de l’Office national des forêts (ONF) cherchent partout dans le monde des essences qui résisteront au climat de la France de 2050, qui sera parfois plus sec, plus chaud ou plus froid selon les mois et selon les régions.
Des personnels de l’ONF arpentent une forêt dans l’Est de la France, le 18 août 2020 (AFP/Archives – JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN)
« Le changement climatique va concerner au moins 10% du territoire », estime Bertrand Munch, directeur général de l’ONF, qui gère 25% des forêts françaises.
Tout va trop vite: « La forêt ne va pas s’adapter toute seule, il faut oser intervenir », plaide-t-il, alors qu’insectes et champignons, qui eux profitent des variations climatiques, font des ravages dans les bois, notamment les épicéas du Grand-Est.
– Dépérissement du chêne –
Face à la menace, gestionnaires des forêts publiques et privées ont uni leurs forces, en signant fin septembre une convention « pour accompagner l’adaptation des forêts » aux nouvelles conditions climatiques. Ils vont partager innovations, banques de données et communiquer ensemble à destination du grand public.
Une bonne nouvelle pour Geoffroy de Moncuit, qui possède un domaine de 160 hectares au sud-est d’Orléans: « Avec le réchauffement, je doute que les chênes nous disent: +moi je suis du public ou moi je suis du privé+ ».
Le dépérissement du chêne, essence reine des forêts françaises, a conduit chacun à tenter de nouvelles expériences.
Forêt en Chine dans la province du Jiangsu (AFP/Archives – -)
Geoffroy de Moncuit a planté lui-même 600 chênes pubescents sur une parcelle expérimentale, espérant que ces arbres qui s’épanouissent dans les Causses ou en Provence, s’adaptent au sol de Sologne, fait « de sable, d’argile et de silex ».
En forêt domaniale d’Orléans, l’ONF a installé un de ses 200 « îlots d’avenir », des parcelles où sont testées partout en France des essences que l’on espère plus résilientes.
La bataille a été rude pour Yves Baugin, responsable des massifs forestiers de Châteauneuf-sur-Loire à l’ONF.
« Ici on avait un peuplement initial de chênes et de pins sylvestres âgés. On a tenté une régénération naturelle qui a échoué. On s’est lancé dans le pin maritime, mais avec les gels d’hiver, tous les plants sont morts », raconte-t-il. « On ne savait plus quoi faire ».
Un jour, il pense au « métaséquoïa », un arbre dont « on a retrouvé la trace en 1941 au Sichuan » puis « sur les pentes du Yang-Tsé-Kiang, dans la région d’Hubei ».
Ce conifère, qu’on croyait disparu depuis 150 millions d’années, coche toutes les cases: « Il pousse aussi vite que l’eucalyptus, peut faire un bon bois de scierie ». Sur la parcelle, il avoisine du liquidambar, ou copalme d’Amérique, qui pousse jusqu’en Floride et dont le bois rouge ressemble un peu au noyer.
– « Analogie climatique » –
L’expérience s’appuie sur la méthode de « l’analogie climatique »: l’ONF utilise les scénarios des experts climat de l’ONU pour identifier les zones de France où le climat va changer.
Pour expliquer, Brigitte Musch, responsable du conservatoire génétique des arbres forestiers à l’ONF, déploie les cartes du peuplement de l’ancestral chêne sessile. Les zones compatibles sont coloriées en vert, les non-compatibles en jaune et rouge: jaune pour 97,5% d’incompatibilité (où le peuplement est menacé mais possible), en rouge pour 99% d’incompatibilité (fatal à l’espèce).
Chêne sessile en forêt de Bercé, dans le nord-ouest de la France, le 14 février 2019 (AFP/Archives – JEAN-FRANCOIS MONIER )
La carte d’aujourd’hui est presque entièrement verte, la projection pour 2050 est terrifiante: le scénario « intermédiaire » montre une carte mitée de rouge, notamment en Centre-Val-de-Loire. Le scénario « pessimiste » condamne le chêne sessile sur une large partie du pays.
« Nous cherchons partout (Chine, Turquie, Amérique…) des espèces qui peuvent vivre ici maintenant et seront adéquates dans 30 à 50 ans: c’est le projet Climessence », une gigantesque base de données qui contient des fiches pour 150 espèces, accessible à tous, explique la généticienne.
Tout le monde doit « prendre conscience de ce qui se joue » pour la forêt, soulignent les forestiers, qui demandent un dispositif financier pérenne et conséquent. Parce que, prévient Bertrand Munch, « cinq à dix ans, ce n’est rien à l’échelle d’un arbre ».
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