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Pourquoi le lait bio vaut moins cher que le classique?

Panique dans les laiteries. Le lait biologique est entré dans une période noire. Son prix a baissé de près de 25% en 12 mois. Ce qui incite aujourd’hui les producteurs à écouler du lait bio au prix du lait standard, voire à ne même pas signaler qu’il est bio, alors que comme chacun le sait, l’élevage de vaches laitières en agriculture bio est autrement plus exigeant et coûteux. Mais ce phénomène prouve bien qu’en économie libérale, les prix sont bien tributaires de la loi de l’offre et de la demande. Il ne sont pas liés aux coûts de fabrication et de distribution ou alors épisodiquement. Cet épisode du lait bio devrait être étudié dans les classes d’économie et servir de leçon aux responsables politiques qui votent des lois définitives sur la fixations des prix alimentaires en espérant protéger les agriculteurs.

Des éleveurs en difficulté

« On est entré dans un modèle absurde, s’indigne Nicolas Chabanne, le fondateur de la marque des consommateurs C’est Qui Le Patron. Les éleveurs ont fortement investi ces dernières années afin de pouvoir répondre à une demande  forte des consommateurs pour le lait bio. Et aujourd’hui, l’offre est plus abondante que la demande ce qui provoque une chute des prix et l’impossibilité pour de nombreux éleveurs de

rentrer dans leurs frais ».

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Cette forte demande pour du lait bio s’était trouvée renforcée pendant les confinements de 2020. Des périodes où la consommation à domicile avait été dopée. Les gens, coincés chez eux avaient alors augmenté le volume et la valeur de leurs dépenses alimentaires en grande distribution au détriment de la consommation hors domicile. Ce qui a mécaniquement renforcé la tendance forte pour le lait bio plutôt que pour le lait standard. Quand le responsable des achats achète une bouteille de lait, il privilégie assez facilement un produit bio. En revanche lorsque vous prenez un chocolat chaud ou un café au lait dans un bistrot, il est rarement bio. Voilà pourquoi, après cette période, quand les consommateurs ont recommencé à manger dehors (restaurants d’entreprises, cafés, restaurants…), les ventes de lait bio se sont effondrées.

Une production difficile à ralentir

A ce moment de l’explication, il est important de rappeler une caractéristique lourde de la production laitière, qui va peut-être étonner ceux qui ne vont pas souvent à la campagne ou au Salon de l’agriculture. Contrairement à d’autres biens de consommation, la production de lait ne peut pas être ralentie ou stoppée même quand elle n’est plus rentable. Impossible de stopper la lactation des vaches. Elles continuent à se diriger deux fois par jour, 365 jours par an, vers leurs trayeuses, quel que soit le cours du lait. Pour elle c’est un besoin physiologique. Voilà pourquoi on a inventé le fromage, le beurre qui sont des moyens de stocker le lait. Mais le marché du fromage et celui du beurre ont leurs propres logiques et il est dangereux de les perturber avec une production subitement accrue. Autre voie, il est toujours possible de diminuer le cheptel en dirigeant plus de bêtes vers les abattoirs mais les capacités ne sont pas extensibles et on risque aussi de déséquilibrer le marché de la viande.

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Météo favorable

En revanche ce qui provoque bien plus sûrement des hausses ou baisses de volume de la production de lait bio, c’est la qualité de l’herbe et donc la météo. Or il a beaucoup plu cet été, et les pâturages sont restés tout verts contrairement aux autres années où l’herbe est plus jaune que grasse même au Nord de la Loire. Ce qui aggrave la surproduction. Facteur aggravant pour les éleveurs, le prix de l’alimentation des vaches (les protéines qui viennent en complément de l’herbe) ainsi que celui de l’énergie est en train de flamber. Bref, même sans être soupe au lait, ils ont de bonnes raisons de s’indigner quand les coopératives laitières leur imposent des prix d’achat en baisse.

« Nous ne sommes pas insensibles au problème et pensons même que nous pouvons apporter des solutions, confie le patron de C’est Qui le Patron. Nous sommes déjà en train de mettre en place une filière lait bio, mais toute la démarche part des consommateurs qui décident d’un cahier des charges et du prix qu’ils sont prêts à payer pour que les éleveurs soient rémunérés justement ». Après l’énorme succès de son lait standard, l’arrivée de cette marque équitable dans le lait bio pourrait incontestablement améliorer la situation mais il lui faudra plusieurs mois, et ce n’est pas avant le printemps 2022 qu’il pourra présenter un tel produit à la grande distribution. D’ici là, les éleveurs de vaches laitières bios risquent avoir un hiver difficile.

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