Publié le : 08/10/2021 – 17:41
Voix claire, assurée malgré ses 100 ans, Josef Schütz, le plus vieil accusé de crimes nazis a affirmé être « innocent » de toute implication dans les meurtres commis au camp de concentration de Sachsenhausen qui lui valent un procès tardif en Allemagne.
Après être resté jusque là silencieux, Josef Schütz s’est exprimé, vendredi 8 octobre, au deuxième jour de son procès en Allemagne, devant le tribunal de Brandebourg-sur-la-Havel. Le plus vieil accusé de crimes nazis a soutenu qu’il était « innocent » de toute implication dans les meurtres commis au camp de concentration de Sachsenhausen.
Invité à s’exprimer sur les faits, cet homme de 100 ans ne s’est pas démonté : « Cela m’est inconnu car je ne connais rien à ce sujet », a affirmé Josef Schütz, se disant « innocent ». « Tout est déchiré [dans ma tête] », a ajouté le centenaire, se plaignant d’être « seul ici », dans le box des accusés où il doit comparaître jusqu’à début janvier. Il a été rapidement interrompu par son avocat, Stefan Waterkamp, qui la veille avait fait savoir que le prévenu ne s’exprimerait pas sur les charges.
Josef Schütz, ancien sous-officier de la division « Totenkopf » (Tête de mort) des Waffen-SS, est poursuivi pour « complicité » dans le « meurtre » de 3 518 prisonniers lorsqu’il opérait dans le camp de concentration de Sachsenhausen, entre 1942 et 1945. La deuxième audience était consacrée à sa biographie, et notamment à sa vie avant et après la Deuxième guerre mondiale.
Des souvenirs précis
Arrivé seul, se déplaçant à l’aide d’un déambulateur, mais la démarche relativement assurée, Josef Schütz a fait part aux juges de souvenirs précis, dont aucun toutefois ne se rapporte à ses activités dans le camp nazi.
Il a notamment raconté son travail dans la ferme familiale en Lituanie, où il est né, avec ses sept frères et sœurs, puis son enrôlement dans l’armée allemande en 1938.
Après la guerre, il a été transféré dans un camp de prisonniers en Russie et s’est ensuite installé en Allemagne, dans le Brandebourg, une région voisine de Berlin. Il a successivement été paysan, puis serrurier. Cheveux blancs, lunettes, de taille moyenne, l’accusé a précisément narré les anniversaires passés auprès de ses filles et de ses petits-enfants, ou encore affirmé à quel point sa femme l’admirait. « Elle me disait sans cesse : ‘il n’y a pas un homme comme toi dans le monde’ ».
Il a cependant suscité la stupéfaction dans la salle quand il a assuré n’avoir « appris à parler allemand qu’à [son] retour de Russie », en 1947. Appelé à la barre des témoins, Christoffel Heijer, 84 ans, qui a perdu son père dans le camp, a pointé son doigt vers l’accusé, l’interpellant avec émotion : « je peux comprendre que, poussé par la peur des représailles, vous n’ayez pas déserté. Mais comment avez-vous pu dormir paisiblement pendant si longtemps ? ».
« Il fait semblant de ne pas savoir »
Vingt audiences, limitées à deux heures chacune en raison de son grand âge, sont encore prévues. L’accusé avait 21 ans au début des faits. Il est notamment soupçonné d’avoir fusillé des prisonniers soviétiques, mais aussi d’ »aide et de complicité de meurtres systématiques » par gaz de type Zyklon B et « par détention de prisonniers dans des conditions hostiles ».
Entre son ouverture en 1936 et sa libération par les Soviétiques le 22 avril 1945, le camp de Sachsenhausen a vu passer quelque 200 000 prisonniers, principalement des opposants politiques, des juifs et des homosexuels.
Des dizaines de milliers d’entre eux périrent, victimes principalement d’épuisement dû au travail forcé et aux cruelles conditions de détention. Plusieurs rescapés du camp, ainsi que des descendants de victimes, sont parties civiles au procès. Certaines n’ont pas caché leur déception vendredi face au mutisme de l’accusé.
« Il fait semblant de ne pas savoir alors qu’il se rappelle de tout parfaitement dans le détail ! », tempête Antoine Grumbach, un Français de 79 ans, dont le père engagé dans la résistance gaulliste a été assassiné à Sachsenhausen. « Il n’est pas gâteux ! C’est purement une manipulation de l’avocat qui a opté pour cette stratégie du silence », a-t-il ajouté à l’issue de l’audience.
Après avoir longtemps montré peu d’empressement à juger tous les auteurs de crimes nazis, l’Allemagne élargit depuis dix ans ses investigations. Gardiens de camps et autres exécutants de la machinerie nazie peuvent être poursuivis du chef d’accusation de complicité de meurtre. Ces dernières années, quatre anciens SS ont été condamnés à ce titre.
Avec AFP
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