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Gouvernement de coalition : amis allemands, ne traînez pas !

Editorial du « Monde ». Près de trois semaines après les élections législatives du 26 septembre, des négociations en vue de former une coalition gouvernementale tripartite progressiste commencent à Berlin jeudi 7 octobre. Les dirigeants des Verts et du Parti libéral FDP, arrivés respectivement en troisième et en quatrième position aux élections et eux-mêmes en discussion depuis plusieurs jours, ont annoncé mercredi l’ouverture de pourparlers avec les sociaux-démocrates du SPD, arrivés premiers.

Les choses sérieuses commencent donc, et il est temps. L’objectif de cette négociation à trois est de trouver un accord suffisamment solide sur un programme commun de gouvernement pour former une coalition dite « feu tricolore », d’après les couleurs des trois partis, vert pour les écologistes, jaune pour le FDP et rouge pour le SPD. C’est la procédure du régime parlementaire allemand, et elle a de multiples vertus, la première étant d’assurer la stabilité gouvernementale outre-Rhin.

Mais il ne s’agit pas que de l’Allemagne. Vingt-six pays attendent anxieusement qu’un gouvernement en ordre de marche sorte de ces tractations : ce sont les vingt-six autres Etats membres de l’Union européenne, qui savent qu’aucune initiative majeure ne peut être prise dans le cadre européen tant que la fumée blanche n’est pas sortie à Berlin. La France est en première ligne, non seulement parce qu’elle forme avec l’Allemagne un tandem censé fournir le moteur de la dynamique européenne, mais aussi parce qu’elle prend le 1er janvier la présidence tournante de l’UE. Paris a un certain nombre d’ambitions pour ces six mois de présidence ; l’absence d’un interlocuteur opérationnel à Berlin paralyserait la plupart de ses initiatives, d’autant plus que la campagne pour l’élection présidentielle d’avril viendra rapidement parasiter l’agenda européen.

Nouveau souffle

Il est donc impératif que les partis allemands parviennent à former un gouvernement d’ici à Noël. L’expérience de 2017 avait été désastreuse : après une première série de négociations sous l’égide de la chancelière Angela Merkel, le FDP avait claqué la porte et Mme Merkel avait ouvert de nouveaux pourparlers, qui avaient fini par aboutir à la « grande coalition » du bloc démocrate-chrétien CDU/CSU avec le SPD. Le tout avait pris plus de cinq mois, pendant lesquels aucune réponse n’avait été apportée aux propositions françaises de relance de l’Europe. Beaucoup reconnaissent aujourd’hui à Berlin le coût pour l’Europe de cette longue pause. Il serait encore plus lourd aujourd’hui, compte tenu du contexte mondial.

L’autre intérêt pour les Européens est la nature de l’accord gouvernemental qui sortira des négociations. La bonne nouvelle est qu’une coalition SPD-Verts-FDP, si elle se confirme, constitue ce qui ressemble le plus à une alternance outre-Rhin. L’Allemagne a besoin d’un nouveau souffle après seize ans de merkélisme : les idées neuves des Verts et l’impulsion de ces deux petits partis moins usés que la CDU et le SPD, de même que la relève des générations qu’incarnent leurs leaders, devraient apporter cette fraîcheur à un gouvernement qui serait selon toute vraisemblance dirigé par Olaf Scholz, chef du SPD et ancien ministre des finances de Mme Merkel.

L’enjeu européen est immense. Le premier sujet sera l’avenir des règles budgétaires communes, qu’il est indispensable d’assouplir si l’on veut encourager la reprise et investir massivement dans un futur décarboné et numérique, mais il y a bien d’autres sujets. Amis allemands, bonne chance – et ne traînez pas : le temps presse !

Le Monde

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