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En Pologne, le tribunal constitutionnel juge une partie des traités européens incompatible avec la Constitution

Le tribunal constitutionnel polonais à Varsovie, en décembre 2017. CZAREK SOKOLOWSKI / AP

Le tribunal constitutionnel polonais a décidé, jeudi 7 octobre, que certains articles des traités européens sont incompatibles avec sa Constitution nationale et sapent la souveraineté du pays. « Des organes européens agissent au-delà de leurs compétences », a ainsi déclaré la présidente du tribunal, Julia Przylebska.

Cette décision est le dernier rebondissement d’un long affrontement entre la Pologne et l’Union européenne (UE) au sujet de réformes judiciaires controversées introduites par le parti conservateur nationaliste au pouvoir Droit et justice (PiS). Dans son arrêt, Mme Przylebska a énuméré plusieurs articles du traité de l’UE qui, selon elle, sont incompatibles avec la loi suprême polonaise, dénonçant en outre « l’ingérence de la Cour de justice de l’UE dans le système juridique polonais ».

Le porte-parole du gouvernement Piotr Müller a salué l’arrêt du tribunal, soulignant qu’il confirmait « la primauté du droit constitutionnel sur les autres sources de droit ». Ce dernier considère toutefois que cette décision « n’affecte pas les domaines dans lesquels l’UE a des compétences déléguées dans les traités », tels que les règles de concurrence, le commerce et la protection des consommateurs.

Primauté du droit polonais sur les lois européennes

La plus haute instance juridique du pays, qui avait reporté sa décision quatre fois d’affilée, affirme ainsi la primauté du droit polonais sur le droit européen, se rapprochant d’un véritable « Polexit législatif », épouvantail brandi de longue date par l’opposition démocrate. L’Union européenne s’est rapidement dite prête à recourir « à tous les outils » pour préserver la primauté du droit européen.

Le mois dernier, le commissaire européen chargé de l’économie Paolo Gentiloni avait déjà prévenu que l’affaire judiciaire polonaise pourrait avoir des « conséquences » sur le versement des fonds de relance à la Pologne. L’Union européenne n’a en effet pas encore approuvé les 23 milliards d’euros de subventions et les 34 milliards d’euros de prêts bon marché prévus pour ce pays. Le gouvernement polonais avait alors qualifié les propos de M. Gentiloni de « chantage ».

Depuis, des responsables européens ont expliqué que l’argent pourrait être déboursé le mois prochain, mais que des conditions strictes seraient posées en échange en matière du respect de l’Etat de droit. Le mois dernier, la Commission européenne a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne d’infliger des amendes quotidiennes à la Pologne jusqu’à ce qu’elle suspende les réformes judiciaires.

Le différend avec Bruxelles a porté en particulier sur un nouveau système disciplinaire pour les juges qui, selon l’UE, menace gravement l’indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne. Mais il existe d’autres pommes de discorde, notamment la nomination des juges et leur transfert sans leur consentement dans différents tribunaux ou divisions d’un même tribunal. La Pologne a déclaré que les réformes étaient nécessaires pour éradiquer la corruption au sein du système judiciaire et a ignoré une ordonnance provisoire de la Cour de justice de l’Union européenne visant à suspendre l’application de ce système disciplinaire.

« Il n’y aura pas de Polexit »

Ce conflit a fait craindre que la Pologne ne finisse par quitter l’Union européenne, ce qui pourrait affecter la stabilité de cette communauté d’Etats. Le mois dernier, Jaroslaw Kaczynski, le chef du PiS, a rejeté cette idée, déclarant que la Pologne voulait seulement mettre fin à l’« ingérence » de l’UE. « Il n’y aura pas de Polexit (…) Nous voyons sans équivoque l’avenir de la Pologne dans l’Union européenne », a déclaré Kaczynski.

Les Polonais sont majoritairement enthousiastes à l’égard de l’Union européenne, plus de 80 % d’entre eux soutenant l’appartenance à l’UE qui a accordé à leur pays des milliards d’euros de subventions et tout son acquis, stimulant ainsi son développement depuis son adhésion en 2004.

Mais les relations entre Varsovie et Bruxelles sont devenues tendues depuis la prise du pouvoir par le PiS en 2015. Ryszard Terlecki, le vice-président du Parlement, a récemment appelé à des « solutions drastiques » dans le conflit qui oppose la Pologne à l’UE. « Les Britanniques ont montré que la dictature de la bureaucratie bruxelloise ne leur convenait pas. Ils ont fait demi-tour et sont partis », a-t-il déclaré.

Le Monde avec AFP

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