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La Jordanie, tête de pont du rapprochement régional avec Damas

Sur la route menant au poste frontière de Nassib-Jaber, situé à 80 KM d’Amman, le 4 octobre 2021. NADIA BSEISO POUR « LE MONDE »

Officiellement, Abdallah II et Bachar Al-Assad ne s’étaient plus parlé au cours des dix années passées de guerre en Syrie. Le roi jordanien avait appelé au départ du président syrien dès la fin de l’année 2011, après plusieurs mois de soulèvement contre le régime et de répression. Damas, pour sa part, n’a jamais oublié que la Jordanie, pendant les premières années de la guerre, a hébergé sur son territoire le MOC (Military Operations Center), la cellule de soutien arabo-occidentale aux factions rebelles. A défaut de faire table rase du passé, les deux leaders semblent désireux d’ouvrir un nouveau chapitre. Dimanche 3 octobre, le président syrien a appelé le roi jordanien. Désormais, il est question de relations « fraternelles ».

Symbolique, ce coup de téléphone a créé la surprise. Il marque une accélération dans le réchauffement en cours entre les deux capitales. Celui-ci s’est matérialisé par une série de rencontres bilatérales en septembre. Les ministres des affaires étrangères se sont rencontrés en marge de la récente assemblée générale de l’ONU. Et plusieurs ministres syriens ont été reçus à Amman, dont celui de la défense, accueilli par le chef de l’armée jordanienne. L’une des priorités affichées est la relance des relations économiques. La réouverture, le 29 septembre, du terminal de Jaber-Nassib, le principal poste-frontière entre les deux pays, est censée la faciliter.

« Il y a un besoin pressant pour le secteur privé de renouer les partenariats économiques, en Syrie ainsi qu’en Irak, où nous travaillons aussi pour regagner nos parts de marché », explique Jamal Al-Rifaï, vice-président de la chambre de commerce jordanienne. La pandémie de Covid-19 a aggravé la crise économique dans le royaume, qui a un besoin vital d’oxygène. Sur le papier, de multiples plans sont prévus. Amman caresse notamment le rêve de servir de plaque tournante de l’effort de reconstruction de la Syrie, lequel reste au point mort à ce stade. Dans l’immédiat, la Jordanie espère retrouver sa fonction de point de transit, sur les grands axes de commerce régional. Autre bénéfice rapide attendu, la « vente d’électricité au Liban [touché par de graves pénuries], via la Syrie. Avec deux bénéfices à en tirer pour Amman : jouer un rôle actif envers le Liban, et réduire le coût de l’électricité en Jordanie », considère le député Khair Abou Salik.

Ouverture inespérée

Le poste frontière international Nassib Jaber, entre la Jordanie et la Syrie. Situé sur l’autoroute internationale Damas-Amman, le 4 octobre 2021. NADIA BSEISO POUR « LE MONDE »

Malgré l’accent mis sur l’économie, cet aspect n’est qu’une des facettes du rapprochement en cours. Il est trop tôt pour parler d’une normalisation politique – un terme que l’élite à Amman se garde d’employer. Mais c’est une ouverture inespérée que l’allié historique des Américains offre à la Syrie, dont les dirigeants – Bachar Al-Assad en tête – continuent à être traités en paria par l’Occident. « Le rapprochement tient de la realpolitik, où les jugements moraux n’ont pas leur place, souligne Oraib Al-Rantawi, directeur du Centre Al-Quds pour les études politiques. Il n’y a pas de signe d’un changement de régime en Syrie, Assad va rester au pouvoir, on doit traiter avec la Syrie, notre voisin. Il y a aussi un réajustement régional avec des changements majeurs, comme le désengagement américain d’Afghanistan. »

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