Pour la première fois de son histoire, la Rada, le Parlement ukrainien, a adopté une loi « anti-oligarque ». Adopté le 23 septembre, par 279 voix sur 450, le texte survient dans un contexte troublé par la tentative d’assassinat, la veille, d’un proche conseiller du président Volodymyr Zelensky, Serhiy Shefir. La voiture de ce dernier a été criblée de balles et son chauffeur gravement atteint. Le tireur a réussi à prendre la fuite, laissant le monde politique et médiatique se perdre en conjectures sur un possible lien entre cette attaque et la loi. Pour l’heure, l’enquête est au point mort.
Controversé, le texte adopté vise à établir un registre de treize oligarques, dont les noms seront ultérieurement dévoilés par le Conseil national de sécurité et de défense d’Ukraine. Les individus listés seront astreints à déclarer publiquement tous leurs biens et auront l’interdiction de financer des partis politiques, de rencontrer en privé des hauts fonctionnaires et de participer à des privatisations. Le texte définit le statut d’oligarque sur la base de quatre critères : l’influence sur les médias de masse ; la possession d’au moins une entreprise en situation de monopole ; la participation à la vie politique ; et une fortune dépassant les 89 millions de dollars (77 millions d’euros).
Crédibilité du président
« Il n’existe aucun pays, en Europe, où les oligarques occupent une position aussi dominante qu’en Ukraine », estime l’économiste Timothy Ash, spécialiste de l’Ukraine, l’un des pays les plus pauvres du continent. Archétype de l’oligarque, Rinat Akhmetov possède une fortune de 7,3 milliards de dollars, plusieurs chaînes de télévision et est réputé contrôler une large fraction des députés de la Rada.
« Les oligarques ne sont pas seulement intégrés au système, ils l’ont formé », souligne Petro Oleshchuk, politologue et professeur à l’Université nationale Taras Shevchenko, à Kiev. Leur assise est telle que seuls 14 % des Ukrainiens pensent que la loi « anti-oligarque » améliorera la situation politique et économique en Ukraine, selon un sondage du cabinet de sociologie Gradus publié le 21 septembre.
Deux ans et demi après son élection (contre le président sortant Petro Porochenko, lui-même oligarque), le président Volodymyr Zelensky joue désormais sa crédibilité avec cette réforme répondant à la promesse centrale de sa campagne : la lutte contre la corruption. Confronté à une érosion importante de sa popularité, il semble ambitionner une réélection en 2024.
Jusqu’ici, Volodymyr Zelensky s’est contenté de contrarier les plans de deux oligarques et rivaux politiques de premier plan : Petro Porochenko et Viktor Medvedtchouk. Ce dernier, un homme d’affaires et un ami proche du président russe, Vladimir Poutine, a vu en début d’année la fermeture de deux de ses chaînes télévisées et se trouve en résidence surveillée, au grand agacement du Kremlin. Le milliardaire Ihor Kolomoïsky, qui fut l’un des principaux soutiens financiers de Volodymyr Zelensky en 2019, a, pour sa part, perdu sa banque, tout en maintenant une formidable influence dans le pays.
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