Publié le : 27/09/2021 – 20:23
Pionnière en matière de féminisme, l’Islande a battu un nouveau record ce week-end. Les habitants de l’île ont élu 47,6% de femmes au Parlement, faisant de leur pays l’État européen le plus paritaire en politique.
Avec 47,6 % des sièges qui seront désormais occupés par les femmes dans le nouveau Parlement, l’Islande a battu, samedi 25 septembre, le record européen, à l’occasion des élections législatives qui se tenaient dans le pays. Ce résultat, encore provisoire, classe le pays nordique devant la Suède et la Finlande, qui comptent respectivement 47 % et 46 % de femmes parmi les parlementaires.
Dans le reste du monde, seuls trois pays – le Rwanda, Cuba et le Nicaragua – comptent une majorité féminine dans leur Parlement, tandis que le Mexique et les Émirats arabes unis affichent une stricte parité, selon des données de l’Union interparlementaire.
Le droit de vote dès 1882
« Ce n’est pas un phénomène nouveau en Islande. Les Islandaises étaient déjà nombreuses au Parlement. Elles n’ont jamais eu la majorité mais lors des précédentes élections, elles étaient 24 sur 63 députés [38 %] », explique Michel Sallé, auteur de « L’Histoire de l’Islande. Des origines à nos jours » (éd. Tallandier, 2018). « Il y a tout de même un système de quotas sur les listes de candidats, strictement paritaires, qui a permis aux femmes de s’imposer en politique. Encore faut-il leur réserver une place de choix sur cette liste. »
De ce point de vue, explique le spécialiste de l’Islande, l’un des trois partis de la coalition au pouvoir, le Parti de l’indépendance, « qui passe plutôt pour un parti conservateur et machiste », essaie depuis quelques années « de se rajeunir et d’accorder davantage de place aux femmes ».
Pour le reste, l’Islande occupe une place singulière dans l’histoire du féminisme. Les Islandaises font partie des premières femmes au monde à obtenir le droit de vote lors des élections locales de 1882, avec des figures féministes fondatrices comme Bríet Bjarnhéðinsdóttir, fermière devenue journaliste et conseillère municipale de Reykjavik dès le début du XXe siècle. En ce qui concerne les législatives, il faudra attendre 1913 pour que les Islandaises puissent voter.
La première femme chef de l’État en 1980
L’Islande est aussi la première nation à élire une femme chef de l’État en 1980. « Vigdís Finnbogadóttir est restée un modèle pour tous les hommes et les femmes en Islande. Bien que le poste de président ne soit pas assorti de réels pouvoirs, les Islandais sont profondément nationalistes et accordent beaucoup d’importance à la figure présidentielle », indique Michel Sallé.
Vigdís Finnbogadóttir ouvre la voie entre 1980 et 1996. Suivra, quelques années plus tard, Jóhanna Sigurðardóttir, nommée Première ministre en 2009, en pleine crise financière. « Une crise causée par des banquiers, principalement des hommes », relève Michel Sallé. Les Islandais, alors au bord du gouffre, perdent leur épargne et leur emploi par milliers. Ils accusent le Premier ministre sortant Geir Haarde et son ami d’enfance, le gouverneur de la Banque centrale, Davíð Oddsson. En pleine débâcle, des femmes sont appelées à la rescousse à la tête du gouvernement, mais aussi des deux principales banques islandaises nationalisées.
Au poste de Premier ministre, Jóhanna Sigurðardóttir fait figure de pionnière non seulement parce qu’elle dirige le gouvernement, mais aussi car elle est ouvertement homosexuelle. Elle sera la première dirigeante au monde à se marier avec une personne de même sexe.
« Toute une génération d’Islandaises et d’Islandais grandissent avec ces figures de référence » et en 2017, l’actuelle Première ministre, Katrín Jakobsdóttir (gauche écologiste), devient la deuxième femme à diriger le pays. Réputée « intègre et modeste » dans un pays secoué par le nouveau scandale financier des Panama Papers, elle fait des droits des femmes un des axes principaux de sa politique.
Toujours un plafond de verre
Un an plus tard, l’Islande devient le premier pays au monde où les inégalités de salaire entre femmes et hommes sont illégales. Une loi de parité salariale sanctionne d’une amende les entreprises de plus de 25 salariés en cas d’écart de rémunération.
L’île de 300 000 habitants se retrouve régulièrement en tête du classement du Forum économique mondial en matière d’égalité femmes-hommes, loin devant la France, en seizième position dans le rapport 2021. Le taux d’emploi des femmes y est très élevé (83 % en 2019 selon Eurostat). Une réussite que l’on peut notamment attribuer aux mesures d’accompagnement des naissances.
Le pays dispose d’une des meilleures politiques de garde d’enfants parmi les pays riches, selon un rapport de l’Unicef. « Sous le gouvernement de Katrín Jakobsdóttir, il y a eu un allongement du congé maternité à un an et celui-ci doit être pris en partie par le conjoint », souligne Michel Sallé.
En dépit de toutes ces avancées dans le domaine de l’égalité femmes-hommes, « il existe encore un plafond de verre », avertit le chercheur. « Les différences de salaires avec les hommes ont subsisté parce que les femmes occupent encore des postes moins importants dans les entreprises. »
Une question à laquelle avait promis de s’attaquer Katrín Jakobsdóttir, qui avait déclaré vouloir remettre en question les « valeurs » qui font que les femmes sont surreprésentées dans des emplois moins bien payés, comme ceux d’infirmières ou d’aides pour les personnes âgées. Elle n’aura pas eu le temps de le faire. La droite se retrouve en position de force, rendant peu probable une prolongation du mandat de Katrín Jakobsdóttir. C’est désormais le nouveau Parlement élu qui devra s’attaquer à ce défi après la nomination d’un nouveau Premier ministre à la tête de l’Islande.
Avec AFP
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