Une amende de 100.000 euros partiellement assortie de sursis a été requise mardi contre Hubert de Boüard, grande figure du Bordelais et copropriétaire du célèbre château Angélus, accusé d’avoir été juge et partie dans le classement des grands crus de Saint-Emilion par trois propriétés recalées.
M. de Boüard, 65 ans, et Philippe Castéja, 72 ans, important négociant et propriétaire du château Trotte Vieille, répondent depuis lundi à Bordeaux de « prise illégale d’intérêt » pour leur implication présumée, à des degrés divers, dans l’élaboration de ce prestigieux classement qui garantit à ses heureux lauréats des retombées commerciales et financières colossales.
Concernant M. Castéja, le représentant du ministère public a laissé une éventuelle sanction à « l’appréciation » du tribunal.
Dans ce procès scruté par le monde viticole, les deux prévenus ont nié en bloc avoir usé d’une quelconque influence.
En 2012, la nouvelle mouture du classement de Saint-Emilion avait promu Angélus premier grand cru classé « A », sommet de la pyramide, et maintenu Trotte Vieille « B », récompensant huit autres propriétés pour lesquelles M. de Boüard était consultant ou superviseur.
Les deux prévenus étaient alors membres du comité national des vins de l’INAO, rattaché au ministère de l’Agriculture. Cet organe a validé le règlement du classement et ses résultats, élaborés par une commission dont il avait nommé les membres.
En outre, M. de Boüard était membre de l’Organisme de défense et de gestion (ODG) des vins de Saint-Emilion, qui a participé à l’élaboration du cahier des charges avec l’INAO selon l’instruction.
« Des petits arrangements entre amis » au sein de « deux organismes aux liens incestueux », a affirmé Eric Morain, avocat des parties civiles, selon lequel Hubert de Boüard a joué un rôle « pivot » en étant « parfaitement conscient » de son influence.
Les trois propriétés déchues, des domaines de taille modeste précédemment toujours classés, avaient évoqué lundi des « irrégularités » et « malveillances » ayant débouché sur une destitution « incompréhensible ».
La procédure judiciaire entamée depuis neuf ans -qui comporte aussi un volet administratif- a connu de multiples rebondissements, dont le plus étonnant a été en 2019 un rare appel par le parquet -qui avait requis le non-lieu- de la décision de renvoi en correctionnelle.
Mardi, le procureur adjoint Jean-Luc Puyo a fait un virage à 180 degrés par rapport à cette position et indiqué qu’il « ne partageait pas l’analyse juridique » faite à l’époque par le parquet.
Il a souligné la « participation parfois dynamique » de M. de Boüard « tout au long de la procédure de classement ». Il a été « un définisseur, un impulseur », a-t-il assuré, jugeant M. Castéja pour sa part « bien plus en retrait ».
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