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ReportageC’est le premier « refuge » pour les personnes trans aux Etats-Unis. Au Tenacious Unicorn Ranch, on élève des alpagas en même temps qu’on recueille les queers victimes d’agressions. Les rancheuses espèrent faire école.
Le nom, d’abord. Tenacious Unicorn Ranch, le Ranch de la licorne obstinée… « C’est moi qui l’ai trouvé », s’excuse Penny Logue. Un mélange de souvenirs d’enfance, d’histoires fantastiques, dont les Chronicles of Amber, de Roger Zelazny, la quête mythique d’un père disparu au pays des licornes. « Un symbole très queer », ajoute-t-elle. Quant à l’adjectif, c’est simple : « Dès le début, je savais qu’on aurait besoin de ténacité. »
Comme les licornes, les alpagas sont des créatures obstinées, voire franchement butées. Les camélidés sont 180 sur le ranch, dont 18 nouveau-nés, qui déambulent en petits groupes, l’air loufoque et étonné. En cette fin d’été, les animaux ont subi leur tonte annuelle : une fiesta appelée « Shear-a-palooza », qui a vu des dizaines de militants LGBTQ+ débarquer dans ce coin reculé du Colorado. Récolte : 900 kg de laine, vendus aux maisons de mode. Le ranch compte aussi des moutons, des poulets et dix chiens, d’énormes bergers australiens et des Pyrénées, nommés d’après des personnages de Star Trek… « Nous sommes des nerds », s’amuse Penny.
Penny Logue, fondatrice du Tenacious Unicorn Ranch à Westcliffe (Colorado), pose avec ses alpagas le mercredi 8 septembre 2021. Le ranch est un refuge pour les personnes transgenres et non binaires, ainsi qu’un foyer pour environ 180 alpagas. RACHEL WOOLF POUR « LE MONDE » Des alpagas au Tenacious Unicorn Ranch à Westcliffe (Colorado), le 8 septembre 2021. RACHEL WOOLF POUR « LE MONDE »
Penellope Logue, 40 ans, a une coiffure à deux versants. Le côté droit est coupé très court, presque rasé ; de l’autre descend une rivière blond vénitien ou rose tyrien, selon les jours. La militante a fondé le ranch en 2018, après avoir quitté l’armée et entamé sa transition de genre. Au début, c’était « un projet en solo », dit-elle, pour disparaître de la circulation pendant la période parfois embarrassante de transformation du corps. C’est devenu un sauve-qui-peut après l’offensive de l’administration Trump contre les transgenres.
A la ceinture, Penny porte un Ruger 300 Precision. Au genou, dans un holster, un poignard. Régulièrement, les occupants du ranch font des exercices de tir. « Une partie de notre mission, c’est de montrer qu’on n’a pas à se terrer et à rester sous le radar », décrit la fondatrice.
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En trois ans, le ranch est devenu un phare pour le mouvement LGBTQ+ : la première commune populaire transgenre aux Etats-Unis. Un refuge, un endroit où les transgenres ont la possibilité de « construire quelque chose ». « Ça avait toujours été un rêve dans la communauté, raconte Penny. Mais personne ne le réalisait. » Elle y a réussi parce qu’elle était « privilégiée », pense-t-elle, un peu moins marginalisée que la moyenne de ses amis. « Je possédais une maison, que j’ai pu vendre. Et pour avoir grandi dans une ferme [celle de ses grands-parents], j’avais l’expérience du milieu rural. »
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L’article Dans le Colorado, au Ranch de la licorne obstinée, les éleveuses d’alpagas sont transgenres et anarchistes est apparu en premier sur zimo news.