Publié le : 18/09/2021 – 07:31
Une application mobile électorale anti-Kremlin a subitement disparu des boutiques en ligne de Google et Apple. Les deux géants américains auraient cédé à de fortes pressions de la part du pouvoir russe dont des menaces de représailles contre leurs salariés.
L’opposition russe a accusé vendredi 17 septembre les géants Google et Apple de « censure » après la suppression d’une application électorale mobile anti-Kremlin, au premier jour de législatives marquées aussi, selon les détracteurs du pouvoir, par des fraudes.
À l’isolement à cause d’un foyer de Covid-19 dans son entourage, le président Vladimir Poutine a voté électroniquement.
Le retrait de l’application du mouvement de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny intervient après des mois de répression qui ont écarté les détracteurs de Vladimir Poutine de ces élections prévues sur trois jours, de vendredi à dimanche.
« L’État russe tout entier et même les grandes entreprises de la tech sont contre nous, mais cela ne signifie pas que nous pouvons baisser les bras », a affirmé sur Telegram la chaîne de l’équipe de Navalny.
Leonid Volkov, responsable exilé de l’opposition, a accusé Apple et Google de « censure » et de « céder au chantage du Kremlin » en supprimant le logiciel de leurs boutiques. « Cette application est illégale dans notre pays », a répliqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
Comme presque aucun candidat anti-Poutine n’a été autorisé à se présenter aux législatives, les partisans de Alexeï Navalny ont élaboré une stratégie dite du « vote intelligent » destinée à soutenir le candidat — souvent communiste — le mieux placé pour mettre en difficulté celui du parti au pouvoir, Russie Unie.
L’application permettait de savoir pour quel concurrent voter dans chaque circonscription des législatives mais aussi lors de dizaines d’élections locales et régionales. Par le passé, cette approche avait rencontré un certain succès, notamment à Moscou en 2019.
Google et Apple n’ont pas commenté dans l’immédiat. Mais Moscou a multiplié ces derniers temps les admonestations aux géants de l’internet refusant de supprimer des contenus jugés illégaux, notamment ceux du mouvement de Navalny banni pour « extrémisme » depuis juin.
Des représentants d’Apple et Google avaient été convoqués jeudi devant une commission de la chambre haute du Parlement.
Vendredi, le sénateur Andreï Klimov, chef de cette commission, a estimé que les groupes américains « ont tiré la seule conclusion valable » de leur « conversation ».
D’après une source proche du dossier, Apple a supprimé cette application par peur des représailles pour ses salariés, après avoir reçu des « menaces d’arrestation » en Russie. Une autre source a assuré que Google a aussi pris cette décision « sous une contrainte sans précédent », citant « des menaces publiques graves » contre « les employés locaux ».
Quelque 108 millions de Russes sont appelés aux urnes pour élire les 450 députés de la chambre basse du Parlement, la Douma.
À 17 H GMT vendredi, le taux de participation s’est établi à 16,85%, selon la Commission électorale centrale.
« Dans ces conditions de restrictions sanitaires, de quarantaine, j’ai accompli mon devoir citoyen en ligne », a déclaré le président russe, dans une vidéo diffusée par le Kremlin.
Ses détracteurs ont eux dénoncé des fraudes, diffusant comme à chaque scrutin de nombreuses vidéos et photos sur les réseaux sociaux.
Soupçons de fraude
Ils ont ainsi expliqué des queues importantes constatées devant certains bureaux de vote par les pressions exercées sur des fonctionnaires et des employés par leurs chefs pour qu’ils aillent voter durant leurs heures de travail.
L’ONG spécialisée dans l’observation électorale, Golos, détaille aussi sur son site internet ce type de fraudes, publiant par exemple des photos de piles de bulletins pliés en tas à l’intérieur des urnes.
Cette organisation respectée a été classée « agent de l’étranger » par le gouvernement russe, un label infamant compliquant son activité.
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Parmi les électeurs interrogés par l’AFP, certains ne cachaient pas leur déception. Evguéni Kovtounov, un informaticien, a estimé qu’aucun « changement significatif » ne ressortirait du scrutin.
À Moscou également, Mikhaïl Streltsov, retraité de 91 ans, se satisfait au contraire du statut quo: « le plus important est que le pays soit stable et se développe ».
L’essentiel de l’opposition a été bannie du scrutin, apogée de mois de répression entamés avec l’arrestation d’Alexeï Navalny, alors qu’il rentrait en Russie en janvier après un empoisonnement dont il accuse le Kremlin.
Impopulaire, sur fond de scandales de corruption et de baisse du niveau de vie, le parti Russie Unie compte moins de 30 % d’opinions favorables selon les sondages.
Mais la formation devrait néanmoins s’imposer, faute de concurrence réelle, les autres partis représentés à la Douma – communistes, nationalistes et centristes – étant dans l’ensemble dans la ligne du président Poutine, qui reste lui populaire.
Avec AFP
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