Abdelaziz Bouteflika, président de l’Algérie entre 1999 et 2019, est décédé vendredi à l’âge de 84 ans. Depuis sa chute sous la pression de l’armée et de la rue, il était resté retranché dans la solitude dans sa résidence médicalisée de Zeralda, à l’ouest d’Alger.
Jamais un président algérien n’aura régné aussi longtemps. L’ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika est décédé, vendredi 17 septembre au soir, à l’âge de 84 ans. La nouvelle a été annoncée à la télévision nationale, où déroule un bandeau « Décès de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika », qui cite un communiqué de la présidence de la République.
Omniprésent dans la vie politique algérienne durant des décennies, mais devenu quasi-invisible depuis un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2013, M. Bouteflika n’avait donné aucun signe de vie depuis que le mouvement de contestation populaire du « Hirak » et l’armée l’ont contraint à la démission en avril 2019. Il s’était alors retranché dans sa résidence médicalisée de Zeralda, à l’ouest d’Alger.
Arrivé au pouvoir par l’armée
Né le 2 mars 1937 à Oujda (Maroc), dans une famille originaire de la région de Tlemcen (nord-ouest), Bouteflika rejoint dès 19 ans l’Armée de libération nationale (ALN) qui combat la puissance coloniale française.
À l’indépendance en 1962, il devient à 25 ans ministre des Sports et du Tourisme, avant d’hériter un an plus tard du portefeuille convoité de la diplomatie, qu’il conserve jusqu’en 1979, une époque où l’Algérie s’affiche en leader du « tiers-monde ».
En 1965, il soutient le coup d’État de Houari Boumédiène, alors ministre de la Défense, qui s’empare du pouvoir en déposant le président Ahmed Ben Bella. S’affirmant comme le dauphin de Boumédiène - »le père qu’il n’a pas eu », dira ce dernier -, qui décède en 1978, il est pourtant écarté de la succession par l’armée puis de la scène politique sur fond d’accusations de malversations. Il s’exile à Dubaï et Genève.
C’est pourtant l’armée qui l’impose en 1999 comme candidat à la présidentielle. Plus de 35 ans après son premier poste ministériel, Bouteflika accède à la tête de l’Algérie, auréolé d’une image de sauveur dans un pays déchiré par une guerre civile.
« Je suis l’Algérie tout entière », lance-t-il en arrivant au pouvoir. Sa priorité : rétablir la paix en Algérie, plongée dans la guerre civile depuis 1992 contre une guérilla islamiste (quelque 200 000 morts en dix ans, officiellement). Deux lois d’amnistie, en 1999 et 2005, convainquent nombre d’islamistes de déposer les armes.
Accusé par ses détracteurs d’être une marionnette de l’armée, Bouteflika travaille à desserrer l’emprise de la puissante institution. Promettant qu’il ne sera pas un « trois quarts de président », il devient tout puissant.
Des difficultés économiques
Avec la France, la relation reste à vif, même si le chef d’État algérien, qui sait nouer des relations étroites, parfois amicales, est apprécié des dirigeants français, en particulier de Jacques Chirac. Il a aussi fait de nombreux séjours à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, dans la plus grande discrétion, avant d’aller se faire soigner à Genève.
Sur la scène intérieure, Abdelaziz Bouteflika impose au Parlement de supprimer la limitation du nombre de mandats pour en conquérir un troisième en 2009, puis brave les oppositions affichées jusqu’au sein de l’appareil sécuritaire pour en gagner un quatrième, un an après son AVC.
Très affaibli physiquement, il n’en renforce pas moins ses pouvoirs en dissolvant début 2016 le Département du renseignement et de la sécurité (DRS, services secrets), après avoir congédié son chef, le général Mohamed Médiène, jadis considéré indéboulonnable.
Mais ce quatrième mandat se déroule sur fond de dégringolade des prix du pétrole pour une économie très dépendante des hydrocarbures.
Les caisses sont vides et il n’est plus possible d’acheter la paix sociale, comme en 2011 quand le Printemps arabe balaie la région.
Au-delà des difficultés économiques enfle surtout la frustration d’une population outrée du symbole que représente ce président mutique et paralysé. Jusqu’à l’avènement spectaculaire du « Hirak », mouvement pluriel, non violent et sans leadership.
La candidature de trop
Vingt ans après son élection, il est chassé du pouvoir sans égards par l’armée, pilier du régime, sous la pression de ce mouvement de contestation inédit.
« Boutef », comme l’appellent familièrement ses compatriotes, jette l’éponge le 2 avril 2019, après une improbable tentative de briguer un cinquième mandat malgré l’attaque cérébrale qui l’avait cloué sur un fauteuil roulant, quasi inerte, six ans plus tôt.
Cette candidature a été perçue comme l’humiliation de trop par des millions d’Algériens, souvent jeunes et décrits à tort comme résignés.
Élu pour la première fois en 1999, constamment réélu au premier tour avec plus de 80 % des voix en 2004, 2009 et 2014, ce cinquième mandat semblait acquis aux yeux du régime. Mais six semaines de mobilisation massive du « Hirak » poussent le patron de l’armée, le général Ahmed Gaid Salah, un de ses fidèles, à obtenir sa démission.
Jusqu’au bout, Abdelaziz Bouteflika aura voulu s’accrocher, bravant l’évidence : celui qui fut à 26 ans le plus jeune ministre des Affaires étrangères au monde ne renvoyait plus que l’image d’un vieillard muet et reclus en son palais.
Avec AFP
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