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Bouteflika, du maquis au plus haut sommet de l’État

Abdelaziz Bouteflika, septième président de la République démocratique et populaire d’Algérie, est l’homme politique qui a exercé le plus long mandat à la tête de l’État. Son itinéraire se confond avec l’histoire récente du pays, depuis la lutte pour l’indépendance jusqu’à son projet phare de réconciliation nationale.

Après avoir officiellement remis sa démission le 2 avril 2019, Abdelaziz Bouteflika s’est éteint vendredi 17 septembre à l’âge de 84 ans. Retour sur la carrière du dirigeant algérien qui resta le plus longtemps au pouvoir.

Abdelaziz le « Marocain »

Si, lors des derniers mois de sa vie, ses rares apparitions publiques témoignaient davantage de la faiblesse physique de l’octogénaire que de la puissance de son discours, le président Bouteflika n’a pas toujours été un homme à la silhouette fatiguée. Fin stratège politique et diplomate chevronné, Bouteflika a été un acteur incontournable de l’histoire du pays, depuis la lutte pour l’indépendance jusqu’à la réconciliation nationale. 

À 28 ans, Abdelaziz Bouteflika est ministre des Affaires étrangères. Sur la photo, il répond aux journalistes à la sortie de l’Elysée où il s’est entretenu avec le président français, le général de Gaulle. © AFP

D’Oujda au Maroc, où il est né le 2 mars 1937 dans une modeste famille algérienne, Abdelaziz Bouteflika est parvenu à accéder, en Algérie, aux plus hautes fonctions. 

En 1956, à 19 ans, il répond à l’appel du Front de libération nationale (FLN) et rejoint sa branche armée, l’Armée de libération nationale (ALN). De son passage dans les maquis, il gardera le surnom de « Marocain ». 

Il y fait la connaissance de Houari Boumediene – futur président de l’Algérie indépendante, dont il sera bientôt considéré comme le bras droit. En 1962, à l’indépendance du pays, il est nommé ministre de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme, puis ministre des Affaires étrangères. Il a alors 26 ans. 

Réconciliation nationale

À la mort du président Boumediene, en 1979, une guerre de succession fait rage. Fort du soutien de l’armée, Chadli Bendjedid devient président et Bouteflika se contente du poste de ministre d’État. Cependant, il est peu à peu écarté de la scène politique par l’armée. Traduit devant le conseil de discipline du FLN après avoir été poursuivi par la Cour des comptes pour sa gestion aux Affaires étrangères, il choisit l’exil aux Émirats arabes unis, en Suisse et en France. Après une traversée du désert de six ans, il rentre en Algérie en 1987, où il devient, deux ans plus tard, membre du Comité central du FLN. 

En 1999, Bouteflika est élu pour la première fois à la présidence avec cette fois le soutien de l’armée, un mandat qui deviendra finalement le plus long de l’histoire algérienne. L’Algérie est alors endeuillée par près d’une décennie de guerre civile. Bouteflika promet de mettre fin, par le biais d’un état d’urgence, à l’insurrection islamiste déclenchée en 1991 et se fait l’artisan de la réconciliation nationale. 

La loi sur la Concorde civile, qui offre l’amnistie à quelque 6 000 combattants de l’Armée islamique du salut (AIS), entre en vigueur début 2000. Elle devient la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » après un référendum en 2005. Mais le processus de réconciliation ne se fait pas sans heurt : certains dénoncent un trop grand laxisme envers les islamistes, d’autres n’y voient qu’une stratégie politique de Bouteflika pour se maintenir au pouvoir. « Je ne renoncerai pas à la réconciliation nationale, quel que soit le prix à payer », persiste-t-il à déclarer en 2007. 

« Une imposture »

Au début des années 2000, l’armée réprime de violentes émeutes en Kabylie. Malgré cela, il est réélu dès le premier tour en 2004, avec près de 84 % des voix. Trois des cinq autres candidats dénoncent une fraude « à tous les niveaux ». Dès le début de son second mandat, Bouteflika ordonne l’arrestation du directeur du quotidien Le Matin pour la publication de « Bouteflika, histoire d’une imposture ». Mohamed Benchicou y dresse le portrait d’un président « défaillant et sans envergure, intrigant, coupé de son époque, inapte à l’écoute, dépassé par ses charges ». 

En octobre 2008, le Parlement adopte à une écrasante majorité une réforme constitutionnelle qui supprime la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. Ce vote ouvre la voie à un troisième mandat de Bouteflika, réélu avec plus de 90 % des voix le 10 avril 2009. 

Dossiers inachevés

Au niveau international, l’Algérie de Bouteflika est restée marquée par ses relations postcoloniales avec la France. L’homme fort d’Alger n’aura eu de cesse, au cours de sa carrière, d’exiger des excuses de la part de Paris. À défaut d’une repentance symbolique, il obtient néanmoins de la part de François Hollande, en visite officielle dans le pays en 2012, la reconnaissance des souffrances infligées au peuple algérien. 

Abdelaziz Bouteflika n’aura eu de cesse, au cours de sa carrière, d’exiger des excuses de la part de Paris sur le dossier épineux du passé colonial de la France. © AFP

La question du Sahara occidental, véritable poison dans les relations entre l’Algérie et le Maroc, n’aura en outre pas été réglée.

Sur le plan économique, l’Algérie profite depuis le début des années 2000 de la hausse du prix du pétrole. Elle mène une politique ambitieuse de grands travaux avec notamment la construction d’infrastructures publiques. Malgré tout, de nombreux problèmes pèsent sur l’économie, tels que l’insuffisance de logements, la corruption ou encore le chômage. 

Rescapé du printemps arabe

Durant les mandats de Bouteflika, les inégalités et la pauvreté atteignent des niveaux record. Une situation à l’origine du vent de révolte qui souffle dans le pays, en 2011, dans le sillage des printemps arabes. Aux prises avec l’insatisfaction collective, Bouteflika décide alors de lâcher du lest en procédant à une série de réformes. Il lève notamment l’état d’urgence, en vigueur depuis 19 ans, qui élargissait les pouvoirs des militaires au détriment des libertés politiques et individuelles. 

En 2012, le président algérien assiste aux festivités pour le cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, visiblement fatigué © Mehdi Chebil

Victime d’un AVC en 2013, le président algérien décide pourtant de briguer un nouveau mandat.  Il est réélu triomphalement le 17 avril 2014 à 77 ans avec 81,53 % des voix. 

Son quatrième mandat est marqué à l’automne 2015 par un coup de balai au sein du pouvoir algérien avec le limogeage du général Mohamed Médiène, alias Toufik, chef du département du Renseignement et de la sécurité (DRS), ou encore du procureur général de la Cour d’Alger Belkacem Zeghmati. 

Quelques semaines plus tard et pour la première fois, des proches du président Abdelaziz Bouteflika remettent publiquement en cause les capacités du président à diriger le pays. Dans une lettre rendue publique en novembre 2015, 19 personnalités demandent ainsi à rencontrer le chef de l’État.

De perpétuelles spéculations sur son état de santé

Les apparitions de Bouteflika se sont en effet faites de plus en plus rare au cours des derniers mois. En avril 2016, lors de la visite du Premier ministre français, Manuel Valls, le président algérien apparaît très affaibli face aux photographes, présentant un visage livide, les yeux hagards et la bouche ouverte. 

En avril 2016, Abdelaziz Bouteflika apparait très affaibli lors de la visite du Premier ministre français Manuel Valls. © AFP

Les spéculations sur son état de santé, régulièrement démenties par le gouvernement algérien, n’ont jamais cessé d’alimenter les colonnes des journaux. Après plusieurs séjours au Val-de-Grâce, à Paris, entre 2005 et 2014, Abdelaziz Bouteflika avait été hospitalisé en décembre dernier dans une clinique de Grenoble. Son voyage en avril 2016, à Genève, pour effectuer un contrôle médical aura été le dernier. 

Devenu quasi-invisible dans les dernières années de sa présidence, Abdelaziz Bouteflika n’avait donné aucun signe de vie depuis que le mouvement de contestation populaire du « Hirak » et l’armée l’avaient contraint à la démission.

Ce jour-là, il était apparu pour la dernière fois à la télévision pour annoncer qu’il jetait l’éponge. Le Hirak s’est toutefois poursuivi malgré l’éviction de Bouteflika et de son clan, puis l’élection en 2019 de son successeur Abdelmadjid Tebboune.

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