Publié le : 17/09/2021 – 18:27
Alors que le Liban est en proie à des pénuries de carburant, des dizaines de camions transportant du fioul iranien ont été acheminés par l’intermédiaire du Hezbollah, jeudi 16 septembre, au Liban, depuis la Syrie. L’arrivée du convoi a été fêtée par des tirs de joie notamment au lance-roquettes. Des scènes qui ont choqué au Liban, d’autant que le pays a été endeuillé par plusieurs explosions meurtrières ces derniers mois, comme l’explique notre Observateur.
Arrivé de Syrie, un premier convoi de vingt camions-citernes est entré en territoire libanais via un passage illégal dans la région du Hermel, puis s’est dirigé vers Baalbek, un fief du Hezbollah, dans l’est du pays. Au total, 80 camions-citernes devaient être livrés au parti chiite (pro-iranien) jeudi.
L’opération d’acheminement d’essence s’est faite en violation de l’embargo imposé par les États-Unis à l’Iran. Un tanker iranien a déchargé 33 000 tonnes de fioul dans le port de Banias, en Syrie. La cargaison a ensuite été acheminée dans des camions-citernes par un passage illégal vers Hermel, fief du Hezbollah dans l’est de la Syrie. Le gouvernement libanais a pris ses distances avec cette initiative qualifiée de “privée »
De part et d’autre de la route, des habitants, brandissant des drapeaux du Hezbollah, ont accueilli le convoi avec des jets de poignée de riz et de pétales de rose.
Mais certains n’ont pas hésité à tirer au lance-roquette et au fusil AK-47, parfois à quelques mètres seulement d’un camion-citerne, comme le montre des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux.
Sur ces vidéos, tournées entre Hermel (Syrie) et Baalbek (Liban), on voit par exemple un homme traverser la route, puis tirer en cloche au lance-roquette quand il arrive à proximité d’un camion-citerne. On entend aussi un tir de rafale de fusil AK-47.
Ou également, à l’approche du convoi, deux hommes tirent, l’un au lance-roquettes et l’autre au fusil AK-47 (vidéo-ce-dessous).
Une autre vidéo montre une femme, postée à côté d’une voiture, déclencher des tirs de fusil quand un camion-citerne passe tout près d’elle. Une personne portant un casque la félicite alors en levant le pouce vers le haut.
Irresponsible woman firing shots from a Rifle centimeters away from fuel tank trucks passing by in Bekaa. Few weeks ago in North Lebanon’s Akkar, a fuel tank exploded causing over 20 deaths, some say it was an accident others say it was because of a bullet that hit the tank. pic.twitter.com/cW9Fg2RoNV
— Luna Safwan – لونا صفوان (@LunaSafwan) September 16, 2021
Traduction : “Une femme irresponsable tire au fusil à quelques centimètres d’un camion-citerne dans la Bekaa. Il y a quelques semaines, à Akkar, dans le nord du Liban, une citerne remplie de fioul avait explosé faisant plus de vingt morts. Certains ont dit que c’était un accident, et d’autres affirment qu’une balle a touché la citerne.”
“C’est de l’inconscience criminelle”
Jalal Nanoue est journaliste indépendant à Beyrouth. Il se dit choqué par la vue des ces images
La région de Hermel-Baalbek, où le convoi est passé, est en fait une société clanique. Et traditionnellement, ce type d’armes circule beaucoup parmi les clans.
Donc je m’attendais à ce que ce genre de scènes se produisent. Mais ce qui m’a finalement le plus choqué, c’est le fait que ces gens se soient mis à tirer à quelques mètres à peine des camions-citernes. C’est de l’inconscience criminelle.
Mercredi, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, a demandé l’annulation de festivités populaires que ses partisans devaient organiser à Baalbek pour célébrer l’arrivé de carburant, arguant du risque qu’un drame se produise.
Car les Libanais ont encore en tête le drame survenu à Akkar, dans le nord du Liban, le 15 août dernier quand une cuve d’essence a explosé alors qu’une foule était amassée autour. Plus de vingt personnes sont mortes et une centaine ont été blessées.
Et sans oublier aussi le traumatisme des explosions du port de Beyrouth du 4 août 2020 qui ont fait plus de 200 morts.
Dans la région du Bekaa, tirer en l’air est courant aussi, non seulement dans les moments de joie mais aussi lorsqu’on enterre une personne estimée dans sa communauté.
Dar al Fatwa [une institution juridique gouvernementale sunnite, NDLR] et le Hezbollah ont émis des fatwa [avis juridique dans le droit islamique, NDLR] appelant à mettre fin aux tirs de joie.
Mais comme on peut le constater, il y encore du travail.
->Lire sur les Observateurs ->Beyrouth, 4 août 2020, 18h08 – 10 vidéos amateur qui ont marqué notre rédaction
Les camions-citernes du Hezbollah devaient être déchargés dans les réservoirs des stations-service de l’enseigne Amana, détenue par le parti chiite et visée par des sanctions américaines depuis février 2020.
Le Hezbollah a annoncé qu’il allait offrir gratuitement la moitié de la cargaison, soit 15 millions de litres, qui seront distribués entre le 16 septembre et le 16 octobre aux hôpitaux gouvernementaux, aux orphelinats, aux maisons de retraite et aux municipalités qui en feront la demande. Plusieurs établissements ont en effet besoin d’essence pour alimenter les générateurs privés, et pallier les coupures d’électricité qui peuvent durer jusqu’à 22 heures par jour.
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