A l’été 2019, la Syrie ne vivait plus au rythme soutenu des combats, après la reconquête des deux tiers du pays par le régime de Bachar Al-Assad. Au Liban, la vie était déjà misérable et le climat délétère pour les réfugiés syriens. Alors, Noor (le prénom a été changé) a décidé de rentrer dans son pays avec son fils et sa fille, sans penser qu’elle s’exposerait à nouveau aux horreurs de la guerre. A son arrivée au poste-frontière d’Al-Baqi’a-Tal Kalakh, au nord du Liban, l’officier syrien lui assène pourtant : « Pourquoi as-tu quitté la Syrie ? Parce que tu n’aimes pas Bachar Al-Assad et que tu n’aimes pas la Syrie ? Tu es une terroriste… La Syrie n’est pas un hôtel que tu quittes et réintègres quand tu le désires. » Après l’avoir accusée d’envoyer des armes en Syrie et de se prostituer, il l’a violée, ainsi que sa fille de 5 ans, puis les a prises en photo, nues.
La guerre, la violence et la répression du régime Assad ont déplacé 13,3 millions de Syriens depuis 2011, dont 6,6 millions ont trouvé refuge dans les pays limitrophes, et certains en Europe. Elles ont rattrapé ceux qui, de gré ou de force, ont pris le chemin du retour. Détentions arbitraires, torture, viols et violences sexuelles, disparitions forcées : dans un rapport publié mardi 7 septembre, l’organisation Amnesty International a documenté 66 cas de violations graves des droits de l’homme commises par les autorités syriennes entre mi-2017 et le printemps 2021, à l’encontre de réfugiés revenus dans leur pays, dont 13 enfants et 15 femmes, comme Noor et sa fille.
« Les cas concernent des zones géographiques différentes et s’inscrivent dans une tendance d’abus observés depuis le début du conflit en Syrie. On en conclut qu’il y a un risque réel de persécution des réfugiés qui rentrent en Syrie, lié à la perception de ce groupe par les autorités. Ce risque est le critère qui qualifie les réfugiés à la protection dans le cadre de la convention de Genève de 1951, au titre de l’obligation internationale de non-refoulement », commente Marie Forestier, coordinatrice du rapport. Ce constat corrobore les alertes répétées d’organisations syriennes sur la poursuite de violations flagrantes des droits humains par les autorités. Selon le Violations Documentation Center in Syria (VDC), en 2020 et 2021, 82 013 civils ont été détenus, 3 363 enlevés et 3 585 ont disparu.
« Ne rentrez pas »
L’enquête menée par Amnesty International révèle que les autorités de Damas nourrissent une suspicion, voire un désir de vengeance, envers ceux qui ont quitté le pays, vus comme des « terroristes », au même titre que les membres de l’opposition. La torture et les mauvais traitements – dont le viol et les violences sexuelles documentés dans 14 cas − sont un moyen d’humilier et de punir. Les détentions arbitraires ont lieu dans la foulée du retour ou sur convocation, jusqu’à dix mois plus tard. Plus de 25 personnes ont ainsi été arrêtées pour « terrorisme », soit parce qu’elles étaient originaires de zones sous contrôle de l’opposition, soit parce que leurs proches étaient suspectés. Certaines ont été détenues plusieurs mois hors de toute procédure légale. Dix-sept personnes ne sont pas réapparues depuis leur disparition forcée.
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