Le vaste portefeuille du marché intérieur confié au commissaire européen Thierry Breton inclut notamment la souveraineté technologique de l’Union européenne et la mise en œuvre d’une série de politiques et d’investissements pour l’assurer, dans le domaine de la défense notamment. Le commissaire français estime que ce qui vient de se dérouler en Afghanistan doit inciter les Vingt-Sept à accélérer les progrès pour l’édification d’une défense commune avec, à la clé, une mutualisation des équipements notamment, qui pourrait, par ailleurs, réduire la dépendance des Européens à l’égard des Etats-Unis. Dans un entretien au Monde, il détaille son point de vue.
Ce qui vient de se dérouler en Afghanistan a, en fait, confirmé une nouvelle fois la faiblesse des Européens en matière de défense, leur manque de coordination et leur dépendance par rapport aux Américains. Ces événements pourraient-ils entraîner, selon vous, un sursaut ?
L’histoire de la construction de la défense européenne est tumultueuse. Elle a démarré par un raté : la Communauté européenne de défense en 1954. La relation entre l’Europe et la défense est complexe, car elle implique nos histoires, nos cultures, nos différences. Aujourd’hui, nous sommes vingt-sept. La France, l’Allemagne, la Pologne, la Lettonie ou la Grèce n’ont pas la même vision de la défense.
J’ai été, par les hasards de la vie, impliqué, dès 2016, dans les réflexions sur le Fonds européen de défense. Cela semblait à l’époque une idée irréaliste : mutualiser des investissements pour avoir des moyens capacitaires en commun. Eh bien, ça a marché ! Le Fonds européen de défense a été créé en 2020 et il est aujourd’hui doté de 8 milliards d’euros sur la période 2021-2027.
Entre la mise en place de ce fonds et la création d’une véritable Europe de la défense, il y a tout de même un monde…
La défense est un élément de souveraineté dans la main des Etats. Mais aujourd’hui, il est évident qu’on a besoin de plus d’Europe dans ce domaine. Si on écoute ce qu’il s’est dit depuis quinze jours sur l’Afghanistan, il en ressort qu’il y a, actuellement, un accord général sur l’idée que l’Europe doit se doter d’une réelle capacité d’agir de manière autonome. Les diplomates disent d’ailleurs que c’est la première fois qu’ils constatent une telle convergence de vues.
L’Union européenne avance en général à l’occasion des crises. On l’a vu depuis dix-huit mois, avec la pandémie du Covid-19. Qui aurait imaginé que les Vingt-Sept s’endetteraient, ensemble, pour financer le plan de relance ? Et qui aurait parié sur le fait que l’Europe deviendrait le premier continent producteur de vaccins en moins d’une année ?
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