Tribune. Depuis la prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan et le retrait des troupes américaines, les similitudes entre cette débâcle de l’intervention internationale et les difficultés à enrayer la détérioration de la situation au Sahel sont volontiers mises en avant. Si les racines de la crise multidimensionnelle qui affecte de manière croissante l’espace sahélien diffèrent à de nombreux égards du long conflit afghan, il est en revanche pertinent d’opérer une comparaison entre les approches déployées par la communauté internationale pour favoriser, dans les deux zones, la réforme des Etats et des sociétés.
Les programmes mis en œuvre par les acteurs internationaux, aussi bien civils que militaires, pour réformer la gouvernance et le fonctionnement des institutions des pays en situation de conflit, sont le plus souvent fondés sur des paradigmes wébériens. Ceux-ci caractérisent l’Etat comme un appareil de décision monolithique, détenant le monopole de la contrainte organisée et légitime, revendiquant la détention exclusive de l’autorité publique et inscrivant son action dans le cadre défini par les seules normes légales.
Déphasage avec les réalités locales
Lorsque les Etats ciblés par les interventions et l’assistance extérieures ne détiennent pas de tels attributs, ils sont considérés comme « défaillants » (« failed states ») ou comme « fragiles » selon la terminologie consacrée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les incitations à la réforme visent ainsi presque invariablement à favoriser l’instauration d’institutions inspirées du modèle légal rationnel occidental. La plupart des programmes de réforme conçus par les partenaires internationaux dans les domaines de la sécurité, de la gouvernance ou du développement font ainsi la promotion de modèles extrêmement standardisés, le plus souvent définis selon des perspectives influencées par les dispositifs institutionnels en vigueur dans les démocraties libérales.
Pourtant, dans l’espace sahélien, on constate que la mise en œuvre de ces programmes sécuritaires ou de développement s’avère le plus souvent particulièrement ardue ou bien qu’elle échoue car leurs fondements mêmes se révèlent en déphasage avec les réalités locales. En effet, bien que les Etats sahéliens puissent se prévaloir de leur autorité souveraine à l’intérieur des frontières internationalement reconnues dans la majeure partie d’entre eux, des institutions non-étatiques ont subsisté ou récemment émergé. Cette réalité est particulièrement prégnante dans le domaine de la sécurité, du maintien de l’ordre et de la justice.
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