L’aéroport de Kaboul est d’une importance cruciale pour faire transiter le soutien médical et humanitaire dont le pays a plus que jamais besoin, quelques jours après le départ des dernières troupes américaines et la fin d’une guerre qui aura duré vingt ans. Le Qatar a dit, jeudi 2 septembre, travailler avec les talibans pour la réouverture du site. « Nous restons confiants quant à la possibilité de gérer les opérations dès que possible », a déclaré le chef de la diplomatie qatarie, Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani, lors d’une conférence de presse à Doha, tout en précisant qu’« aucun accord » n’avait encore été conclu sur cette question.
« Nous en sommes toujours au stade de l’évaluation. Il n’y a pas d’indication claire sur la date à laquelle il sera pleinement opérationnel, mais nous travaillons dur », a ajouté le ministre qatari, dont le pays entretient des liens étroits avec le mouvement islamiste des talibans qui a pris le pouvoir à Kaboul, le 15 août.
« Il est très important que les talibans démontrent leur engagement de fournir un passage sûr [pour sortir du pays] et la liberté de mouvement pour le peuple afghan » a-t-il poursuivi, précisant que les discussions incluaient aussi la Turquie, « si elle peut fournir une assistance technique à ce stade ». « Nous espérons avoir de bonnes nouvelles dans les prochains jours », a encore dit le ministre.
Le Qatar, qui a envoyé mercredi un Boeing C-17A Globemaster à Kaboul, est actuellement au cœur des attentions de la communauté internationale pour sa capacité à communiquer avec les nouveaux maîtres de Kaboul. Ce riche pays du Golfe avait, en outre, joué le rôle de médiateur dans le processus de paix entre le gouvernement afghan et les talibans avant la prise du pouvoir par les islamistes.
Attente du premier gouvernement
Les talibans ont fêté mardi leur victoire en Afghanistan au lendemain du départ des derniers soldats américains. Ce retrait a mis fin à vingt ans d’une guerre déclenchée par l’intervention d’une coalition internationale menée par les Etats-Unis pour chasser les talibans du pouvoir, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001 perpétrés sur le sol américain. Le retour des islamistes au pouvoir a obligé les Occidentaux à évacuer dans la précipitation leurs ressortissants et des Afghans susceptibles d’être visés par des représailles de la part des talibans, notamment pour avoir travaillé pour les forces étrangères.
Les talibans se trouvent sur le point d’annoncer la formation de leur nouveau gouvernement, qui ne devrait pas inclure de femmes, une perspective contre laquelle des dizaines d’Afghanes ont protesté jeudi, illustrant les défis auxquels le pouvoir va être confronté.
Selon des sources talibanes, les nouveaux maîtres du pays pourraient annoncer la composition de leur gouvernement juste après la prière, ce vendredi. Les Afghans et le monde attendent impatiemment de connaître la composition de ce gouvernement, dont les talibans ont maintes fois promis qu’il serait « inclusif ».
Le chef adjoint de leur bureau politique au Qatar, Sher Mohammad Abbas Stanekzai, a renouvelé cette promesse mercredi dans une interview accordée à la BBC. Mais il a aussi laissé entendre qu’il « pourrait ne pas y avoir » de femmes nommées ministres ou à des postes à responsabilité, mais uniquement à des échelons inférieurs.
Parias lors de leur premier passage au pouvoir, entre 1996 et 2001, les talibans sont observés par la communauté internationale, qui garde en mémoire la brutalité de leur régime à l’époque. Leur application stricte de la charia, la loi islamique, s’était notamment traduite par la disparition progressive des femmes de l’espace public et la persécution des opposants.
Des femmes manifestent pour leurs droits
Une cinquantaine de femmes sont descendues jeudi dans les rues de Herat, capitale cosmopolite de l’Ouest afghan, pour revendiquer leur droit à travailler et réclamer la participation de femmes au nouvel exécutif. « C’est notre droit d’avoir une éducation, du travail et la sécurité, ont chanté à l’unisson les manifestantes. Nous n’avons pas peur, nous sommes unies. »
« Des pourparlers sont en cours pour former un gouvernement, mais ils ne parlent pas de la participation des femmes, a regretté Basira Taheri, l’une des organisatrices de la manifestation. Nous voulons que les talibans tiennent des consultations avec nous. Nous continuerons nos manifestations, elles ont commencé à Herat, elles s’étendront bientôt à d’autres provinces. »
Ce genre d’expression publique de mécontentement est une nouveauté pour les talibans, qui réprimaient impitoyablement toute contestation lors de leur régime précédent. Cela montre qu’ils vont devoir s’adapter à une société afghane devenue en vingt ans plus libérale et plus ouverte sur le monde extérieur.
Parmi les 123 000 personnes, afghanes et étrangères, qui ont fui l’Afghanistan ces dernières semaines grâce à un pont aérien organisé par les Occidentaux, figurait la première femme journaliste afghane à avoir interviewé un responsable taliban en direct à la télévision. Présentatrice sur la chaîne de télévision privée du pays Tolo News, Beheshta Arghand a fui au Qatar, craignant pour sa vie au moment où les islamistes prenaient le contrôle du pays. « Je veux dire à la communauté internationale : s’il vous plaît, faites quelque chose pour les femmes afghanes », a-t-elle déclaré mercredi.
Présentatrice sur la chaîne de télévision privée afghane Tolo News, Beheshta Arghand a fui au Qatar, craignant pour sa vie au moment où les islamistes prenaient le contrôle du pays. HAMAD I MOHAMMED / REUTERS
Les talibans se sont efforcés, depuis plusieurs semaines, de présenter un visage plus modéré et plus ouvert, assurant que le droit des femmes serait respecté. Ils ont notamment annoncé qu’elles pourraient étudier à l’université, mais dans des classes non mixtes, et appelé récemment les travailleuses du secteur de la santé à reprendre le travail. Mais, pour l’heure, ces déclarations peinent à convaincre.
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