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Entre l’Algérie et le Maroc, une rupture évitable

Des forces de sécurité marocaines montent la garde lors d’une manifestation d’agriculteurs marocains à Figuig (dans l’est du Maroc) après leur expulsion du territoire algérien, le 18 mars . FADEL SENNA / AFP

Editorial du « Monde ». C’est une montée de fièvre dans une région qui n’en avait pas besoin. La rupture des relations diplomatiques entre deux pays voisins n’est jamais une bonne nouvelle ; elle l’est encore moins lorsqu’il s’agit du Maghreb et, en l’occurrence, de l’Algérie et du Maroc. Annoncée le 24 août par Alger, cette mesure n’est pas seulement le résultat de l’accumulation des contentieux entre les deux pays. L’impact de cette rivalité constitue aussi une source supplémentaire d’inquiétude pour l’instabilité au Sahel.

L’acrimonie entre Alger et Rabat autour de la question du Sahara occidental est ancienne – elle remonte aux années 1970. Les frontières terrestres entre les deux pays sont fermées depuis 1994, sur décision des autorités algériennes, et les échanges entre les deux pays réduits au minimum. La crise algéro-marocaine a acquis une nouvelle dimension depuis l’annonce, le 10 décembre 2020 par le président Donald Trump, alors en fin de mandat et déjà battu à l’élection présidentielle, de la reconnaissance par Washington de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, en échange de la normalisation des relations du Maroc avec Israël. Le « deal de Trump » – que son successeur, Joe Biden, n’a pas remis en cause à ce stade – a donné des ailes à la diplomatie marocaine, qui se montre beaucoup plus offensive depuis.

L’arme migratoire

Rabat s’est ainsi senti assez fort pour ouvrir deux crises diplomatiques cette année avec des Etats européens, l’Espagne et l’Allemagne. En mai, sous l’œil complice de la police marocaine, quelque 8 000 jeunes Marocains ont réussi à franchir les grilles de l’enclave espagnole de Ceuta pour s’y introduire illégalement. Madrid a dénoncé une utilisation délibérée de l’arme migratoire par le Maroc en représailles à la décision espagnole d’accueillir, pour un traitement hospitalier, Brahim Ghali, le secrétaire général du Front Polisario, le mouvement indépendantiste sahraoui.

Un peu plus tôt, le Maroc avait suspendu la coopération bilatérale avec l’Allemagne et rappelé son ambassadeur à Berlin après avoir accusé le gouvernement allemand « d’actes hostiles ». Rabat en veut particulièrement à Berlin d’avoir pris ses distances avec le « deal de Trump » et d’avoir demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara occidental, territoire « occupé par le Maroc ». L’Allemagne n’avait fait là qu’appeler au respect du droit international, en vertu de la résolution sur la tenue d’un référendum d’autodétermination que le Maroc n’a jamais voulu organiser.

La crise de Ceuta a sérieusement écorné l’image du royaume chérifien auprès des gouvernements européens. Les révélations en juillet par les médias internationaux de l’utilisation par le Maroc du logiciel espion Pegasus, fourni par la société israélienne NSO, n’ont rien arrangé. L’affaire Pegasus a aussi contribué à la dégradation des relations avec l’Algérie, où 6 000 numéros de téléphone, dont ceux de hauts responsables militaires, auraient été ciblés.

De son côté, le régime algérien espère sans doute, en faisant appel à la fibre nationaliste, détourner l’attention de la population de ses difficultés internes. Mais ce nouveau raidissement algéro-marocain, dans le sillage des perturbations de la diplomatie de l’ère Trump, est aussi de nature à fragiliser la cohésion de l’effort international, sous la houlette de Paris, sur le Sahel. Dans un contexte aussi volatil, au moment où la situation se crispe en Tunisie, les conséquences sont potentiellement négatives pour toute la région.

Le Monde

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