Alors que de nombreux Afghans cherchent désespérément à quitter leur pays depuis l’arrivée au pouvoir des talibans et que les capitales européennes, dont Stockholm, s’inquiètent d’une crise migratoire comparable à celle de 2015, Munir (le prénom a été changé) est désemparé. Ce jeune hazara issu de la minorité chiite persécutée par les talibans, âgé de 21 ans, est arrivé à Paris le 26 juin. Deux jours plus tôt, il avait embarqué à bord du ferry qui assure la liaison entre le port de Trelleborg, dans le sud de la Suède, et Travemunde, en Allemagne. Arrêté à la descente du bateau, il a passé une nuit en détention avant d’être remis en liberté et de poursuivre son périple, direction Paris, porte de La Chapelle.
Deux réfugiés afghans dans le quartier de la porte de La Chapelle, à Paris, le 28 juin 2021. L’un d’eux est arrivé en France après un parcours en bateau et en train depuis la Suède. L’autre est venu le chercher. MICHAEL BUNEL / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE »
En Suède, où il vivait depuis décembre 2015, le jeune homme, originaire de Ghazni, avait épuisé tous les recours. Sous le coup d’un arrêté d’expulsion, il risquait d’être renvoyé en Afghanistan, même si sa famille se trouve actuellement au Pakistan. Munir a donc attendu la cérémonie de remise des diplômes dans son lycée – fier, il montre les photos sur son téléphone portable. Et puis il est parti, en quête d’une seconde chance, en France.
Aujourd’hui, dans son centre d’hébergement du Val-de-Marne, il se demande s’il a fait le bon choix. Car, le 16 juillet, le gouvernement suédois a décidé de suspendre tous les renvois vers l’Afghanistan, en raison de la dégradation de la sécurité dans le pays. Le moratoire est temporaire et, si Munir rentre en Suède, il sera en situation irrégulière. Mais au moins il y a des amis et une famille d’accueil. Il parle la langue. Et puis, sait-on jamais : peut-être qu’il finira par obtenir un titre de séjour.
Opposition croissante
Ces dernières semaines, sur l’île de Gotland, Eva Hallsten est submergée d’appels : des jeunes Afghans, partis en France, qui se demandent s’ils doivent revenir ; d’autres, relâchés des centres de rétention en Suède (1 900 au total depuis le 16 juillet), qui songent à faire le voyage inverse. Eva essaie de les conseiller : « Beaucoup sont très inquiets. Pour la première fois depuis longtemps, les Afghans en situation irrégulière sont en relative sécurité en Suède, puisqu’ils ne peuvent plus être expulsés. Mais cela ne veut pas dire que ceux qui sont en France ont intérêt à revenir, surtout s’ils font l’objet d’une procédure normale et ont une chance d’obtenir l’asile. »
Munir (le prénom a été changé), un réfugié afghan ayant bénéficié de l’aide d’associations suédoises. A Paris, le 28 juin 2021. MICHAEL BUNEL / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE »
Artiste verrier, la soixantaine, Eva Hallsten est celle que les réfugiés appellent quand ils s’apprêtent à quitter la Suède. Toujours au courant des meilleurs itinéraires, elle leur dit par où passer, comment éviter les contrôles et organise même des collectes pour financer les voyages de ceux qui n’ont pas d’argent. Informées de ses agissements, les autorités suédoises la laissent faire.
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