Le mouvement taliban a gagné la guerre et, en l’absence d’opposition crédible, il faudra composer avec ce régime en fixant nos lignes rouges et nos objectifs de négociation, sans garantie de succès, mais avec une chance d’influencer sa pratique du pouvoir. En ce moment même, des négociations portent sur l’extension du délai pour l’évacuation des étrangers et des Afghans menacés.
La victoire militaire du mouvement taliban pose plus généralement la question de l’attitude des pays occidentaux à l’égard du gouvernement qui se met en place. Pour l’instant, la transition, moins violente qu’en 1996 et 2001, est marquée par l’effondrement sans beaucoup de combats d’un régime discrédité et par l’humiliation des gouvernements occidentaux, incapables de prévoir un plan d’évacuation.
Alors que se dessine une politique de mise au ban de l’Afghanistan, il nous semble, au contraire, que le moment est propice à l’ouverture de négociations avec le régime en formation dans la mesure où, désormais au pouvoir, le mouvement taliban est paradoxalement dans une situation de faiblesse. Contrairement à une vision aujourd’hui répandue, les pays occidentaux ont donc les moyens d’influer sur le développement du nouveau régime, en particulier dans le domaine des droits humains et de la sécurité.
En effet, les talibans ont construit leur retour au pouvoir sur leur capacité à reconstruire les services publics, répondant ainsi à une demande d’Etat ignorée pendant deux décennies. Ils se sont implantés dans les campagnes en établissant des tribunaux islamiques, dont l’impartialité contrastait avec la corruption généralisée des services judiciaires, voire leur absence dans beaucoup d’endroits. La remise en route de l’administration est la priorité actuelle des talibans qui cherchent à ramener les fonctionnaires à leur poste, d’où les amnisties pour ceux qui ont travaillé avec l’ancien régime et les ONG. Ils ont, par exemple, annoncé que le ministre de la santé et le maire de Kaboul pouvaient rester en place.
Tonalité conciliante
Or, le mouvement taliban n’a pas les moyens de contourner l’obstacle financier qui se dresse devant lui dans la reconstruction de l’Etat. Les caisses sont vides : les détournements massifs de la classe politique afghane ont conduit à une faillite financière, alors que l’Afghanistan traverse, par ailleurs, une dépression économique sans précédent depuis le retrait de l’essentiel des forces de l’OTAN en 2014. La sécheresse historique qui sévit depuis quelques années explique en outre que certaines régions risquent d’être en pénurie alimentaire, ce qui aura pour conséquence des départs massifs vers les villes ou à l’étranger. Une aide alimentaire est donc nécessaire de façon urgente.
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L’article Adam Baczko et Gilles Dorronsoro : « L’évolution du régime afghan, dans une mesure limitée, mais réelle, dépendra de notre attitude à son égard » est apparu en premier sur zimo news.