Des entrepreneurs britanniques qui vendent des tapis traditionnels tissés à la main et d’autres produits artisanaux d’Afghanistan craignent que leurs fournisseurs ne subissent les foudres des talibans à cause de leurs liens avec l’Occident.
James Wilthew a passé six mois dans les provinces du nord de l’Afghanistan en 2004, avant d’ouvrir sa boutique, The Afghan Rug Shop, en 2015 à Hebden Bridge dans le Yorkshire (nord de l’Angleterre). Il a noué des liens étroits avec les tisserands et les commerçants, auxquels il achète les tapis en direct, là où ils sont produits, et estime que son commerce aide 200 familles à vivre.
Une part des recettes est reversée à Afghanaid, une organisation caritative britannique qui soutient la population afghane.
Aujourd’hui, James Wilthew se bat pour faire évacuer du pays ses contacts qui, selon lui, risquent de devenir des cibles des talibans.
« Ils sont désormais en danger immédiat », car ils ne rentrent pas dans les critères d’évacuation du gouvernement britannique, explique-t-il à l’AFP.
Frustré par le gouvernement britannique, il enrage que « rien ne se passe » et affirme que « la bureaucratie entraînera la mort de milliers de personnes. »
James Wilthew photographie des tapis en exposition dans sa boutique « The Afghan Rug Shop », le 20 août 2021 à Hebden Bridge, dans le nord de l’Angleterre (AFP – Lindsey Parnaby)
Cet ancien officier de l’armée de l’air britannique a servi en Afghanistan en 2004 au sein d’une équipe chargée d’accompagner les projets de développement.
Il s’inquiète pour les Afghans avec lesquels il commerce, qui pourraient pâtir de leurs liens avec lui. Les talibans pourraient dire : « Vous avez travaillé pour M. James », craint-il, même s’il n’est pas sûr de la façon dont les talibans réagiront.
« Nous ne connaissons pas l’étendue du danger », souligne-t-il.
-Inquiétudes –
Les tapis constituent une ressource importante pour l’Afghanistan: c’est la deuxième exportation non agricole du pays, selon l’Organisation mondiale du commerce.
James Wilthew devant sa boutique « The Afghan Rug Shop », le 20 août 2021 à Hebden Bridge, dans le nord de l’Angleterre (AFP – Lindsey Parnaby)
Au Royaume-Uni, les textiles représentent de loin l’importation afghane la plus importante, d’une valeur de quelque 2,4 millions de livres (2,8 millions d’euros) par an, selon les chiffres du gouvernement.
Le commerce de tapis existait sous l’ancien régime taliban, qui a dirigé l’Afghanistan d’une main de fer de 1996 jusqu’à leur éviction lors de l’invasion menée par les États-Unis en 2001.
M. Wilthew prédit que « sous le régime des talibans, ce commerce (de textiles) continuera, ils ont besoin des taxes issues de cette activité, de l’emploi ».
Tandis que la plupart des tapis afghans sont exportés via le Pakistan voisin, M. Wilthew traite lui directement avec les artisans et les commerçants du pays.
La situation pourrait l’obliger à changer de modèle commercial, en passant par un intermédiaire au Pakistan, et en utilisant une autre devise que le dollar américain si le billet vert est banni en Afghanistan.
Une cliente regarde des tapis afghans à la boutique « The Afghan Rug Shop », le 20 août 2021 à Hebden Bridge, dans le nord de l’Angleterre (AFP – Lindsey Parnaby)
Il est également peu probable que l’entrepreneur puisse continuer à utiliser les sociétés internationales de livraison DHL et FedEx.
Mais « l’acquisition de tapis d’Afghanistan ne m’inquiète pas. Ce n’est pas un problème, le problème, ce sont mes amis », dit-il.
– Problèmes logistiques –
Electra Simon, directrice artistique d’Ishkar, qui vend tapis au design contemporain, bijoux et vêtements, explique être en contact quotidien avec des gens en Afghanistan: « Presque tout le monde essaie de partir ».
Des tapis afghans en vente à la boutique « The Afghan Rug Shop », le 20 août 2021 à Hebden Bridge, dans le nord de l’Angleterre (AFP – Lindsey Parnaby)
« C’est vraiment difficile, avec les relations que nous avons tissées avec les gens, de les voir dans des situations si délicates », rapporte-t-elle à l’AFP.
La boutique en ligne d’Ishkar, du nom d’une plante qui pousse dans le désert afghan, vend des tirages photo afin de collecter des fonds pour l’association Emergency, qui fournit des soins médicaux aux victimes du conflit.
L’entreprise, qui travaille avec une trentaine de personnes dans le pays, a supprimé de son site internet les références à ses partenaires afghans pour les protéger.
« Nous voulons faire tout notre possible pour continuer à travailler avec les gens en Afghanistan, si cela ne les met pas en danger », explique Electra Simon.
Tout comme James Wilthew, elle juge la situation trop fluctuante pour prédire l’avenir, mais se dire déjà sûre d’une chose: « Ce sera certainement différent pour nous ».
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