Tribune. Il aura fallu seulement dix jours pour que les talibans reprennent le contrôle de l’Afghanistan et célèbrent à leur manière le vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Cette reconquête éclair et la détermination du président Biden à retirer les troupes américaines ont sidéré le monde entier. En réalité, nous assistons ici à l’aboutissement d’une décennie de désengagement américain et d’une déliquescence chronique des institutions afghanes qui ont profité aux talibans.
La reprise du pouvoir par les talibans marque un tournant géopolitique : il s’agit d’abord d’une défaite stratégique pour les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN, avec des implications à long terme pour leur crédibilité et leur capacité à agir ailleurs ; c’est aussi une illustration cinglante du monde post-américain qui se dessine, au profit d’autres puissances, la Chine en premier lieu, mais aussi la Russie, la Turquie et l’Iran qui s’imposent sur le terrain et mènent la diplomatie de crise.
Politique du fait accompli
La politique du fait accompli de Biden en Afghanistan rappelle aussi aux alliés des Etats-Unis (de l’Europe à l’Asie en passant par les pays du Golfe) qu’ils doivent assumer leur part du fardeau de la sécurité internationale et ne pas bâtir leur politique étrangère en comptant indéfiniment sur les moyens américains.
Les vingt années d’intervention américaine en Afghanistan, avec l’appui des alliés de l’OTAN, sont une longue chronique d’erreurs stratégiques qui ont préparé le terrain à la reprise du pouvoir par les talibans. L’administration Biden a sous-estimé leur résilience et leur capacité à reprendre le pouvoir rapidement et surestimé la capacité de l’armée afghane à défendre son territoire. L’Amérique a dépensé plus de 2 000 milliards [1 700 milliards d’euros] de dollars en Afghanistan depuis 2001, dont plus de 83 milliards pour la formation de l’armée afghane. Et pourtant, cette dernière s’est rapidement décomposée face aux talibans. La brutalité du retrait américain a montré les failles de l’armée régulière afghane, minée par la corruption, mal approvisionnée, et dépourvue de soutien aérien.
Manipulation des statistiques
Ces événements posent la question de l’efficacité de l’intervention militaire et du programme de formation des forces de sécurité en particulier, et incitent à repenser les principes du désengagement militaire, au même titre que ceux de l’engagement militaire. Le problème principal de ces programmes de formation réside dans leur approche purement militaire et apolitique, alors que l’enjeu principal est politique : le manque de cohésion et l’absence d’allégeance de l’armée afghane à une autorité politique reconnue comme légitime, rendent ces forces armées vulnérables et peu fiables. Les allégeances communautaires priment et divisent les forces de sécurité.
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