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Récit« Dernières nouvelles de la chute de Rome » (5/6). A l’aube du Ve siècle, l’Empire est débordé à ses frontières et en proie à des querelles internes. N’ayant plus les moyens de sa puissance, la Ville éternelle cède finalement face aux barbares.
Comme ce n’est pas un soir de première, les hommes sont dispensés de smoking ; ils peuvent se contenter d’une veste et d’une cravate. Pour les femmes, la robe de soirée est fortement conseillée. De toute façon, on constate peu d’entorses aux usages : on ne s’habille pas n’importe comment quand on a la chance de se rendre à la Scala de Milan.
Ce soir de janvier 2019, la salle est pleine, comme toujours. Au programme : Attila, de Giuseppe Verdi, une œuvre créée en 1846 à la Fenice de Venise, qui a eu l’honneur d’inaugurer la saison lyrique milanaise, le 7 décembre précédent. Caractéristique de cette période que Verdi lui-même qualifia d’« anni di galera » (années de galère), dans laquelle il multipliait les créations, construisant pas à pas sa stature de poète d’une nation italienne en devenir, Attila n’a pas toujours eu les faveurs de la critique. La pièce a été considérablement réévaluée ces dernières années et apparaît de plus en plus sur les répertoires des grands opéras, en Italie ou ailleurs.
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L’intrigue commence en l’an 452, dans les ruines de la ville d’Aquilée, naguère joyau de l’Empire, alors qu’Attila, chef des Huns, célèbre sa victoire totale. Quand le rideau se lève, c’est bien un décor de désolation qu’on découvre, mais celui-ci évoque l’Europe de 1940 plutôt que le crépuscule de l’Empire romain d’Occident. Les guerriers huns ont été, eux aussi, transposés en costumes du XXe siècle. En cette soirée d’hiver, Attila porte l’uniforme de l’armée du IIIe Reich.
En faisant le choix de déplacer l’intrigue dans l’espace et dans le temps, le metteur en scène de cet Attila contemporain, Davide Livermore, a fait tout sauf trahir Verdi. Il lui a même, au fond, été parfaitement fidèle. En effet, si ses opéras se déroulent en des époques et des lieux lointains, le propos du compositeur, lui, n’est jamais tout à fait étranger à l’actualité plus ou moins récente. Pour concevoir cet opéra, Verdi s’est appuyé sur une tragédie écrite par le poète romantique allemand Zacharias Werner (1768-1823), Attila, König der Hunnen (1808) et l’exactitude historique n’est pas son but. De même que l’esclavage des Hébreux, dans son Nabucco (1842), avait vite été compris par le public milanais comme une évocation de la soumission forcée de l’Italie du Nord à l’empire des Habsbourg, le sort des habitants d’Aquilée évoque également le destin de la nation italienne, entravée par les barbares venus d’ailleurs.
Une infinité de mémoires
Le bouleversement provoqué par le déferlement des troupes d’Attila en Europe occidentale, au milieu du Ve siècle, a provoqué un choc si profond qu’il s’est transmis au cours des siècles, prenant, avec l’éloignement, une aura surnaturelle, presque intemporelle. Craint comme le « fléau de Dieu » dans le monde catholique, devenu un héros digne d’admiration dans le monde germanique médiéval, comme l’atteste le Chant des Nibelungen, composé au début du XIIIe siècle, on trouve même sa trace dans les sagas islandaises, à des siècles et des milliers de kilomètres du théâtre de son odyssée.
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