Crystal Bayat n’a plus de voix. Jeudi 19 août, elle a passé la matinée à crier et à défier les talibans. En ce jour de l’indépendance de l’Afghanistan, libéré du joug britannique (au début du XXe siècle), avec ses camarades, femmes et hommes, cette Afghane de 25 ans est montée sur la colline de Wazir Akbar Khan dans le centre de Kaboul. Un drapeau afghan sur ses épaules, Crystal Bayat était au premier rang et donnait le la. Le poing fermé et levé, elle marchait d’un pas déterminé, faisant comprendre aux hommes qu’il fallait marcher derrière elle. « Notre drapeau, notre identité ! », chantait-elle haut et fort, reprise par une foule de 200 personnes. Les uns étaient drapés dans la bannière tricolore afghane – rouge, noir et vert –, d’autres la brandissaient.
« Lorsque les talibans sont arrivés à Kaboul [dimanche 15 août, au bout d’une conquête fulgurante de toutes les provinces afghanes] et qu’ils ont baissé et jeté les drapeaux afghans par terre, les remplaçant par leur drapeau blanc, je me suis sentie très mal, explique cette Afghane, jointe sur WhatsApp à Kaboul. Je me suis dit que si je ne faisais rien aujourd’hui, des jours encore plus sombres arriveraient. Nous n’avons pas d’autre choix que d’être audacieuses. » Crystal Bayat, sept amies proches et une trentaine d’hommes sont donc arrivés sur le lieu de la manifestation qu’ils avaient annoncée la veille sur leurs réseaux sociaux. Ils ont commencé à marcher et très rapidement, d’autres gens se sont joints au groupe.
Présents ces jours-ci partout dans la capitale afghane et patrouillant triomphalement, des membres des talibans se sont jetés sur le groupe et ont commencé à insulter Crystal Bayat et ses camarades femmes. « Ils me disaient : “Tu n’as pas d’honneur, sinon tu ne serais pas sortie de chez toi et tu ne crierais pas comme ça.” Ils ont aussi insulté ma mère qui a élevé une fille indigne comme moi. Je leur ai rendu le compliment », glisse la jeune Afghane, malicieuse.
La réaction des talibans ne s’est pas arrêtée aux insultes. Ils se sont ensuite mis à suivre en voiture le groupe et à ouvrir le feu. « Nous sommes donc montés dans la voiture d’un ami. Les talibans ont arrêté notre voiture et ont tabassé les hommes avec nous, les traitant de lâches, parce qu’ils nous avaient laissés sortir de la maison », explique-t-elle. Déterminé, le groupe a poursuivi son chemin jusqu’à l’Hôtel Serena. Mais les tirs ont repris de plus belle. Le groupe des jeunes Afghans rebelles a donc quitté la rue. Crystal Bayat a vu les blessés par balles et en sang. Elle ne sait pas si des victimes sont à déplorer.
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