L’opération est d’ampleur et elle est menée par l’un des organes d’élite de la police russe, le département de lutte contre les crimes économiques et la corruption. Depuis le 17 août, chaque soir, ses agents sonnent aux portes d’habitants de Moscou identifiés comme partisans de l’opposant Alexeï Navalny, et leur proposent d’avoir une « discussion ». La rigueur est de mise, et elle est toute naturelle pour ce département créé en 1937 par le NKVD : pour l’heure, les visiteurs du soir n’en sont qu’aux noms commençant par un « A ».
A leur disposition, les agents ont plusieurs listes : celles de citoyens identifiés comme ayant participé aux manifestations pro-Navalny de l’hiver, d’autres inscrits sur le site Internet Liberté pour Navalny, et d’autres encore ayant dans le passé donné de l’argent à son Fonds de lutte contre la corruption (FBK). Ces données ont été hackées en avril. Elles ont déjà permis de licencier du jour au lendemain, sous des prétextes fallacieux, des dizaines d’employés du métro de la capitale.
Selon les témoignages recueillis, le ton de la « discussion » varie, mielleux ou menaçant. Il s’agit autant d’intimider les récalcitrants que de récolter des témoignages dans la dernière affaire pénale ouverte contre M. Navalny, en août – pour « atteinte à l’identité et aux droits de citoyens », un article assez mystérieux plus volontiers utilisé contre les sectes.
Combien d’agents mobilisés pour ce travail, pour cet opposant déjà emprisonné et décrit comme insignifiant ? Peu importe, semble-t-il : l’anéantissement du camp Navalny est le grand œuvre du pouvoir russe depuis un an. Il a commencé par une tentative de meurtre, un empoisonnement qui a plongé M. Navalny dans le coma durant trois semaines, le 20 août 2020, alors qu’il se trouvait dans un avion d’une compagnie russe, pour un vol intérieur, sous la surveillance du FSB, les services de sécurité. Des laboratoires européens ont conclu que le poison utilisé était un produit militaire neurotoxique de la famille du Novitchok, déjà utilisé dans la tentative d’assassinat de l’ex-agent double Sergueï Skripal, au Royaume-Uni.
Alexeï Navalny, soigné en Allemagne, a survécu. Durant sa convalescence, il a aidé à confondre les empoisonneurs (le FSB) et leur méthode (du poison sur son slip). Plus grave, il a poussé le défi jusqu’à rentrer en Russie avec dans ses bagages une enquête sur le palais de Vladimir Poutine sur la mer Noire, incitant le pouvoir russe à l’emprisonner dès son retour, le 17 janvier. Une condamnation a été prononcée au motif que l’opposant avait violé, durant sa convalescence, les conditions d’un contrôle judiciaire.
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