Tribune. J’ai été empoisonné par une arme chimique il y a exactement un an et je ne suis pas mort. La corruption a, semble-t-il, joué un rôle non négligeable dans cette issue heureuse : elle a sapé de l’intérieur le système étatique, et donc aussi les services secrets. Une équipe du FSB [les services russes de sécurité intérieure] a mis un agent neurotoxique sur mes sous-vêtements de façon peu professionnelle. On m’avait pris en filature depuis trois ans et demi avec la même absence de professionnalisme, en violant toutes les instructions, ce qui a permis à des enquêteurs indépendants de démasquer tout le groupe. Quand les chefs sont occupés à offrir une protection mafieuse au monde des affaires et à extorquer des fonds, la qualité des opérations secrètes en souffre inéluctablement.
Un régime reposant sur la corruption exécute très bien, en revanche, des tâches plus simples. Les autocrates qui souhaitent dépouiller leur peuple prennent le contrôle, en premier lieu, du système judiciaire, et celui-ci travaille parfaitement sur le mode « un prêté pour un rendu ». C’est pourquoi, quand je suis rentré en Russie [en janvier] après avoir été soigné, j’ai été envoyé en prison dès ma sortie de l’avion. Il n’y a là pas grand-chose d’agréable, mais au moins ai-je le temps de lire les mémoires de dirigeants du monde entier.
Ceux-ci racontent comment ils ont entrepris de régler les principaux problèmes de l’humanité : les guerres, la pauvreté, les migrations, le changement climatique, les armes de destruction massive. Ces sujets sont considérés comme de « première importance ». Mais ces dirigeants ne mentionnent pas souvent la lutte contre la corruption. Rien d’étonnant : c’est une question « d’importance secondaire ».
En revanche – et c’est frappant –, ces leaders parlent presque toujours de corruption quand ils évoquent des échecs. Les leurs et (le plus souvent) ceux de leurs prédécesseurs : « Nous avons consacré des années, des centaines de milliards de dollars et des milliers de vies humaines à l’Irak, à l’Afghanistan, au Mali, où vous voulez, mais, à cause de ses pillages, le gouvernement corrompu de Nouri Al-Maliki, Hamid Karzaï, Ibrahim Boubacar Keïta, qui vous voulez, a vu le peuple se détourner de lui et a permis que des radicaux armés de slogans sur un pouvoir juste et honnête l’emportent. »
Refus du débat
Et là, une question évidente se pose : puisque la corruption nous empêche de régler les problèmes « de première importance », le moment n’est-il pas venu de la mettre tout en haut de cette liste de problèmes ?
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