Le retour des Taliban au pouvoir en Afghanistan depuis le 15 août suscite de nombreuses inquiétudes. Maintenant que la charia est de nouveau en vigueur, les sportives afghanes s’inquiètent de perdre les libertés acquises ces dernières décennies et craignent pour leur vie.
Pendant 20 ans, l’Afghanistan a connu une période de relative liberté après que les Taliban ont été chassés du pouvoir par une coalition menée par les États-Unis. Durant cette période, le sport féminin a connu un essor sur fond de progression des droits des femmes. Cependant, la prise du pouvoir des Taliban suscite de nombreuses inquiétudes pour l’avenir des libertés dans le pays.
Sous leur précédent régime, les jeux, la musique, la photographie, la télévision étaient interdits. Les filles n’avaient aucun droit à l’éducation. Quant aux femmes, elles avaient interdiction de sortir sans un chaperon masculin ou encore de travailler. Et si elles étaient accusées de crimes, tels que l’adultère, c’était le fouet et la lapidation à mort. Lors de sa première conférence de presse à Kaboul, le porte-parole des Taliban, Zabihullah Mujahid, a assuré que les droits des femmes seraient dorénavant respectés, dans les limites toutefois du « cadre de la loi islamique ».
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Le rêve brisé de Zakia Khudadadi
De quoi inquiéter de nombreuses sportives afghanes à l’image de Zakia Khudadadi, qui aurait dû écrire l’histoire du sport afghan. Le 24 août, elle devait devenir la première femme à représenter son pays lors des Jeux paralympiques de Tokyo.
« C’est la première fois qu’une athlète féminine représentera l’Afghanistan aux JO et je suis si heureuse », s’enthousiasmait encore la championne de taekwondo le 10 août, interrogée par le site du Comité international paralympique (CIP).
Las. En raison de la prise de pouvoir des Taliban, la délégation afghane ne se rendra pas aux Jeux paralympiques. Selon un porte-parole du CIP, Craig Spence, « à cause de la situation très grave dans laquelle se trouve le pays, tous les aéroports sont fermés et il leur sera impossible de partir pour Tokyo ».
Le chef de la délégation afghane, Arian Sadiqi, installé à Londres, a confié à Reuters une vidéo où Zakia Khudadadi réagit à l’arrivée des Taliban au pouvoir. Celle-ci dit se sentir « emprisonnée ». Elle est actuellement hébergée par de la famille éloignée et ne veut plus prendre le risque de sortir, de s’entraîner ou de voir ses amies.
« Je vous exhorte toutes, les femmes du monde entier, les institutions protégeant les droits des femmes, les gouvernements, à ne pas laisser les droits d’une citoyenne afghane dans le mouvement paralympique être tue si facilement », appelle-t-elle, espérant toujours trouver le moyen de participer aux Jeux paralympiques.
Les porte-drapeaux des JO de Tokyo engagés
Face à la prise de contrôle des Taliban, les réactions se multiplient, notamment chez les sportives et sportifs afghans. Un des messages les plus poignants a été posté par la sprinteuse Kimia Yousofi, porte-drapeau de l’Afghanistan aux JO de Tokyo. Celle-ci s’est notamment demandée si elle ne serait pas la première et la dernière porte-drapeau femme de son pays. À Tokyo, l’athlète afghane a été éliminée dès les séries du 100 m, comme à Rio en 2016.
« Ma chère patrie… Comme ils t’ont laissée seule. Chers habitants, à toutes les filles fortes de mon pays… que Dieu vous protège », a-t-elle écrit sur Instagram. « Je ne sais pas si c’était la dernière fois que je portais ce drapeau aux Jeux. Je ne sais même pas si je pourrais attacher ce drapeau à mon front, et participer à une course pour te représenter. »
Des craintes relayées par l’autre porte-drapeau afghan à Tokyo, le taekwondoïste Farzad Mansouri. Sur Instagram, il a lui aussi appelé à « prier pour son pays ».
Le football féminin afghan en péril
L’inquiétude est aussi palpable pour Khalida Popal, qui a lancé en 2007 la première équipe nationale afghane de football. Réfugiée depuis 2016 au Danemark en raison de menaces de mort à son encontre, elle a accordé un entretien à Associated Press dans lequel elle partage ses craintes. Elle explique avoir supplié les joueuses du pays de s’enfuir, de quitter leurs maisons et de ne pas se faire prendre par des voisins qui voudraient les voir prisonnières.
« J’ai le cœur brisé parce que pendant toutes ces années, nous avons travaillé pour rendre les femmes visibles et maintenant je dis à toutes mes ou les femmes en Afghanistan de se taire et de disparaître. Leurs vies sont en danger », explique-t-elle. « La plupart ont quitté leurs maisons pour aller chez des parents et se cacher parce que leurs voisins savent qu’elles sont des joueuses. Elles ont peur. Les Taliban sont partout. Ils se promènent en créant la peur. »
Après son passage par l’équipe nationale, Khalida Popal avait pris sa retraite sportive en 2011 pour se concentrer sur la promotion du football féminin dans son pays. Une tâche qu’elle continue malgré son exil au Danemark. Face aux Taliban, elle craint également pour l’intégrité des responsables du football afghan qui ont encouragé la pratique féminine.
« Nous, les footballeuses, voulions représenter le nouveau visage de l’Afghanistan. Et maintenant ? Sur le terrain où nous avons joué, des femmes se font assassiner aujourd’hui », dénonce-t-elle.
Les craintes du football afghan trouvent un écho en Europe. Mardi 17 août, le quotidien espagnol Marca s’interroge en une du journal sur le sort de ces athlètes, un événement rare pour ce journal sportif : « Que vont-elles devenir ? »
Le journal raconte notamment l’histoire de Nilofar Bayat, capitaine de la sélection afghane de basket-ball en fauteuil roulant.
« Nous avons peur, j’ai peur pour ma vie, nous voulons partir d’ici », indique la joueuse, qui a demandé l’aide de la Fédération espagnole de basket-ball.
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« Il est malheureusement difficile de ne pas être pessimiste pour l’avenir du sport afghan. On peut penser au sport de haut niveau mais la vraie catastrophe concerne l’accès au sport de la population, en particulier des filles », note David Blough, ex-directeur de l’ONG Play International et membre du comité scientifique du think tank Sport et citoyenneté, interrogé par Ouest-France. « Le sport scolaire ou dans les clubs ne peut pas s’exiler. Les acteurs afghans du sport tout comme les ONG qui développent des programmes socio-sportifs vont rencontrer de graves difficultés. La réalité est terrifiante : il était déjà difficile de développer le sport dans le pays, ce le sera encore plus demain. »
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