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Récit« Dernières nouvelles de la chute de Rome » (1/6). Pourquoi et comment l’Empire romain d’Occident a-t-il disparu ? Cette question ne cesse de hanter penseurs et historiens. En 9 après J.-C., plus de quatre siècles avant la déposition du dernier empereur d’Occident, une première fracture survient avec la défaite des légions face à des tribus germaines.
Dans les années 1480, Rome n’est plus qu’un vaste jardin parsemé de palais, de riches églises, et, de-ci de-là, de ruines antiques. Un jeune homme se promenant sur le mont Oppio, une butte plantée de vignes et de vergers faisant face à la silhouette grandiose du Colisée, tombe dans un trou. Une fois que ses yeux se sont accoutumés à l’obscurité, il découvre ce qu’il pense être une grotte décorée de curieuses peintures exubérantes, à l’origine inexplicable. Bientôt, d’autres fresques sont trouvées, la nouvelle de cette curiosité se répand, et tout ce que l’Italie compte de peintres et d’artistes (Ghirlandaio, le Perugin, Raphaël ou Michel-Ange) accourt pour copier et reproduire ces images surnaturelles.
Le style « grottesche » est né, et il aura une influence profonde sur l’art occidental. Ce que nul ne sait alors, c’est que ces « grottes » richement décorées étaient en réalité les vestiges enterrés de la Domus Aurea de l’empereur Néron, dont le souvenir s’était perdu après sa chute ignominieuse, en l’an 68 de notre ère. On ignorait également que ces peintures devaient être préservées : laissées à l’air libre, elles disparurent bientôt, à tout jamais.
Cette histoire, en traversant les siècles, a pris des airs de légende, et le grand cinéaste Federico Fellini en a offert une très poétique version actualisée, dans une des scènes les plus marquantes de son Roma (1972), filmée à la manière d’un documentaire. Le réalisateur nous plonge dans le chantier du métro, qui alors battait son plein. Une excavatrice avance dans les profondeurs de la ville, à plusieurs mètres au-dessous du niveau de la chaussée, tandis que les responsables expliquent les difficultés infinies d’un travail consistant à se tailler un chemin sous huit strates de vestiges archéologiques.
Alors que la caméra s’approche du cœur du chantier, un ingénieur explique que les travaux sont arrêtés et montre ce qui ressemble à un mur antique. L’équipe décide de pratiquer un trou dans la paroi. Et elle découvre, ébahie, les étranges fresques d’une villa romaine, dans laquelle les personnages représentés semblent avoir les mêmes traits que les ouvriers travaillant au percement du métro… Cette contemplation onirique ne dure pas : en peu de temps, les fresques laissées à l’air libre s’altèrent puis s’effacent, comme si elles n’avaient jamais existé.
La chute de Rome, une histoire contemporaine
Qu’on lève les yeux ou qu’on songe à la masse de ce qui est encore sous terre, l’immensité des traces de la Rome antique est de nature à donner le vertige. Les habitants actuels de la ville nourrissent vis-à-vis de ce passé un sentiment ambivalent, où la fierté se mêle à une sorte de complexe d’infériorité, né de l’impression d’être des hommes ordinaires ayant hérité d’un lieu construit par des géants. Tout cela se conjugue à un profond sentiment de la précarité des choses. Si même Rome est tombée, si le dernier empereur, Romulus Augustule, a pu être déposé sans coup férir en 476 par un obscur chef barbare nommé Odoacre, et si la gloire de l’Antiquité a pu laisser place aux ténèbres médiévales, alors rien n’est jamais acquis, et l’effondrement est toujours possible.
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