L’effondrement des forces afghanes face aux talibans en seulement quelques semaines a surpris. Les mêmes insurgés avaient mis deux ans à prendre le pouvoir, entre 1994 et 1996, pendant la guerre civile, et ils n’avaient jamais pu contrôler des zones entières dans le Nord avant d’être défaits fin 2001. Cette fois-ci, en quarante-cinq jours, ils ont déjà conquis une bonne partie du Nord, le Sud et l’Ouest et se rapprochent dangereusement de Kaboul. Si des combats font encore rage, une question se pose déjà. Comment une armée quatre fois supérieure en nombre, entraînée, financée et équipée par la première puissance mondiale, les Etats-Unis, a-t-elle pu ainsi être mise en déroute aussi rapidement ?
Les autorités américaines avaient multiplié les déclarations sur les capacités des forces afghanes à défendre leur territoire. La réalité est moins glorieuse. Officiellement, Kaboul peut compter sur 300 000 membres des forces de sécurité, dont le fer de lance, les Forces spéciales, compterait près de 50 000 soldats. Selon une source militaire américaine haut placée, les autorités afghanes auraient gonflé les chiffres avec des « bataillons fantômes », sans doute pour augmenter la facture payée par les Etats-Unis et nourrir une corruption endémique. D’après un diplomate occidental, en poste à Kaboul, « il y aurait 46 bataillons fantômes, de 800 hommes chacun ».
La réalité des combats a fait émerger la vérité des chiffres. Depuis 2017, les autorités militaires américaines, mentor et banquier des soldats afghans, avaient accepté l’exigence du président Ashraf Ghani de ne plus rendre publiques les chiffres des pertes au sein des forces de sécurité afghanes, pas plus que ceux des désertions ou des passages à l’ennemi, ce qui a contribué à fausser l’image de l’armée afghane.
Abandon faute de munitions
Le gouvernement peut s’appuyer principalement sur des forces spéciales très professionnelles qui se battent sans réserve et ont interdit, elles, le recrutement par cooptation. Les talibans n’accordent d’ailleurs aucune clémence à ces soldats, qui leur opposent le plus de résistance. Les effectifs de l’armée régulière sont, quant à eux, souvent « fixés », c’est-à-dire enfermés dans leurs bases. Ces derniers, selon les analystes de l’OTAN, ont souffert d’un manque de renfort et de soutien logistique.
Les lignes d’approvisionnement étaient trop étendues pour le pouvoir afghan, qui n’avait pas les moyens aériens ni d’accès par la route pour les ravitailler. Résultat, de nombreux soldats ont souvent dû se rendre, voire fuir, non parce qu’ils ne voulaient pas se battre mais faute de munitions, notamment ceux de l’armée régulière, auxquels les talibans ont garanti le pardon s’ils cessaient le combat. Les insurgés ont ainsi pu prélever d’importants stocks d’armes et de véhicules.
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