Editorial du « Monde ». Dans la dérive qui l’éloigne des pratiques démocratiques et du respect de l’Etat de droit, le régime polonais, dirigé par le parti de droite nationaliste Droit et justice (PiS), a franchi une nouvelle étape inquiétante, mercredi 11 août, avec l’adoption par la Diète polonaise, dans des conditions de légalité douteuses, d’une loi sur l’audiovisuel disposant que les médias du pays ne peuvent être détenus à plus de 49 % par des entités non européennes.
En pratique, le texte n’affecte qu’une chaîne, très populaire en Pologne, du groupe américain Discovery, et qui ne ménage pas ses critiques à l’égard du gouvernement du premier ministre, Mateusz Morawiecki, et donne la parole aux opposants boycottés par les médias publics.
Le passage en force de cette loi a donné lieu à une bataille parlementaire et à une rébellion de l’opposition au lendemain du limogeage par le premier ministre de son adjoint, membre d’un petit parti hostile au texte, marquant l’éclatement de la coalition qui gouverne la Pologne. Ce nouveau tour de vis du régime polonais place une nouvelle fois Varsovie en porte-à-faux avec les principes de l’Union européenne (UE).
La Commission de l’UE a dénoncé « un signal préoccupant pour la liberté d’informer et le pluralisme médiatique ». Fait nouveau, il accroît également les tensions avec l’allié américain, qui, par la voix de son secrétaire d’Etat, Antony Blinken, a exprimé sa « profonde préoccupation ».
Entorses aux principes démocratiques
Cette nouvelle dégradation confirme la double stratégie du gouvernement polonais visant à mettre au pas les deux contre-pouvoirs que sont la justice et les médias. Le PiS, au pouvoir depuis 2015, après avoir neutralisé le Tribunal constitutionnel, a tenté de purger la Cour suprême et a introduit une procédure permettant de sanctionner les juges pour le contenu de leurs décisions.
En parallèle, il a transformé les médias publics en instruments de propagande, fait racheter les journaux régionaux par une société pétrolière d’Etat contrôlée par des affidés du parti et arrosé les médias qui lui sont favorables de publicités d’Etat.
La Commission européenne avait donné à Varsovie jusqu’au 16 août, sous peine de sanctions financières, pour s’engager à respecter des décisions de la Cour de justice de l’UE, lui enjoignant de renoncer aux nouvelles procédures disciplinaires visant les juges. Le président du PiS et homme fort du pays, Jaroslaw Kaczynski, avait semblé reculer. La bataille qu’il a menée pour l’adoption de la loi sur les médias montre qu’il n’en est rien.
Face à ces entorses croissantes aux principes démocratiques, l’impuissance de l’UE apparaît manifeste. Adopté en décembre, le mécanisme de sanction conditionnant l’attribution des fonds du plan de relance européen n’intègre malheureusement pas explicitement le pluralisme des médias à l’Etat de droit, dont il constitue pourtant une manifestation essentielle.
L’isolement croissant de la Pologne et sa dérive, qu’accroît le départ de la branche la plus modérée de la coalition du gouvernement, sont préoccupants d’abord pour les citoyens polonais. Mais ils le sont aussi pour l’UE et, désormais, pour les Etats-Unis, directement visés par le texte adopté mercredi.
Européens et Américains doivent utiliser tous les moyens de pression en leur possession, comme le versement des fonds du plan de relance et l’implantation des forces de l’OTAN, pour amener le gouvernement de la Pologne à respecter le socle des valeurs des démocraties, sous peine d’une marginalisation accrue du pays vis-à-vis de ses propres alliés.
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