Lioudmila S. connaît par cœur le trottoir qui borde, à Minsk, le centre de prédétention n° 1 de la rue de Volodarsky. D’un côté, un lieu d’enfermement avec des murs recouverts de barbelés et des gardiens en uniforme. De l’autre, un défilé incessant, dans un murmure de tendresse et de douleur, d’hommes et de femmes venus déposer une lettre ou un colis, et dont les visages sont presque tous familiers à Lioudmila. A force, tout le monde connaît les histoires des uns et des autres.
Cela fait neuf mois que ses deux fils ont été arrêtés et que sa vie tourne autour de cet espace de béton du centre-ville de la capitale biélorusse. Pour combien de temps encore ? Le procès n’a toujours pas été annoncé. Après le soulèvement massif déclenché par la réélection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko, le 9 août 2020, Kim et Alexeï ont « élevé leurs voix pour exprimer leurs sentiments », raconte cette mère de famille de 58 ans, fière d’appartenir à « la famille des Biélorusses qui ne sont pas d’accord avec ce qu’il se passe ». Elle-même n’a jamais caché ses opinions à propos d’un président au pouvoir depuis vingt-sept ans, qui, dit-elle, « n’a jamais été élu honnêtement ».
La répression qui a bouleversé la vie de la famille a pris forme un matin. D’abord avec une simple perquisition chez Lioudmila et son mari, Andreï, à la fin du mois d’octobre 2020. Puis d’une autre, au domicile de Kim, bientôt 32 ans, qui habitait à l’époque un appartement avec son épouse et sa fille de 5 mois. Il « a été arrêté et battu sous leurs yeux », affirme Lioudmila d’une voix indignée. Deux jours plus tard, le 5 novembre, à 6 heures du matin, ce fut au tour du fils aîné, Alexeï, 33 ans, d’être interpellé – sans être battu. « Je l’ai vu sortir de l’appartement », assure la mère qui, alertée, s’est ruée sur place. « On pensait qu’il ne resterait que quinze jours [en détention]. Mais par la suite, on a compris que ce serait beaucoup plus long. »
« Ils comprenaient que la situation n’est pas bonne »
Pour le comité d’enquête, l’institution judiciaire biélorusse, Kim est impliqué dans une affaire de piratage du système informatique du comité exécutif de la ville de Minsk. Et l’arrestation de son frère, Alexeï, serait due à sa participation aux manifestations. Selon Lioudmila, les autorités « n’ont pas pu trouver de preuve de leur culpabilité. Alors ils ont rajouté une incrimination plus sévère : “actions violant gravement l’ordre public” et “émeutes de masse”, [passible de huit années de prison] ».
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