Publié le : 06/08/2021 – 11:54
Révélés pendant la pandémie (3/4). Amandine Chaignot a troqué sa toque de cheffe contre une blouse d’épicière pendant le premier confinement pour soutenir les producteurs et nourrir les Parisiens en quête de produits de qualité. Son petit marché de producteurs, véritable bulle de fraîcheur dans la morosité de la capitale, fait des émules.
Amandine Chaignot n’est jamais là où on l’attend. La cheffe parisienne n’aurait d’ailleurs jamais dû travailler dans la restauration. Née à Orsay en 1979 de parents scientifiques, la jeune fille aurait dû, selon toute logique familiale, embrasser une brillante carrière dirigée vers les sciences. « J’ai grandi dans une bulle d’ingénieurs entre Polytechnique, l’Inra, le CNRS et Centrale Supélec. J’étais conditionnée à poursuivre dans cette voie. » Raté. La jeune étudiante en faculté de pharmacie jette l’éponge après un an et demi de cours. C’est au détour d’un petit boulot dans une pizzeria qu’elle découvre par hasard le monde de la restauration. L’énergie, le mouvement, l’adrénaline qui se dégagent pendant le service, tout lui plaît.
La suite passe par les bancs de la gastronomie traditionnelle. Aux côtés des plus grands entre Paris (Bristol, Meurice, Crillon, Plaza Athénée) et Londres (Ritz, Hôtel Rosewood), la jeune apprentie fait ses armes. Elle multiplie les expériences et les concours. Bocuse d’or, Meilleure ouvrière de France (MOF), la jeune espoir de la cuisine française commence à se faire un nom. C’est donc naturellement qu’elle ouvre son propre restaurant. « Pouliche » est inauguré en octobre 2019, à deux pas de la foisonnante rue du Faubourg-Saint-Denis, dans le 10e arrondissement de Paris, où l’on peut savourer une cuisine moderne et gourmande.
« Pouliche », un pont entre les Parisiens et maraîchers
Coup du sort, cinq mois après son ouverture, la France se confine pour faire face à l’épidémie de Covid-19. L’annonce tombe mal pour la petite équipe qui vient tout juste de se mettre en place. Assommée ? Pas complètement. Recluse dans son appartement parisien, la jeune entrepreneuse hyperactive refuse de se laisser gagner par l’abattement et l’inaction. Devant le manque de produits frais en circuit court à Paris, une nouvelle idée lui vient : convertir son établissement en marché primeur. Nouvelle volte-face à son destin, Amandine Chaignot se lance tout entière dans son nouveau projet. « En discutant avec les producteurs avec qui je travaille depuis une dizaine d’années, j’ai senti un grand désarroi. Je voyais aussi les Parisiens, désireux de cuisinier, rencontrer des difficultés à s’approvisionner en produits frais de bonne qualité. J’ai donc décidé d’être ce trait d’union qui manquait entre producteurs et consommateurs. »
Après une semaine passée à procéder aux vérifications liées au bail, contacter les producteurs, installer les marchandises, la toute nouvelle épicerie est prête à accueillir ses premiers clients. Une vingtaine de producteurs livrent la boutique providentielle. Asperges, fraises, miel, agrumes, épices, pain, vins, les produits arrivent sur les étals au gré des disponibilités. « Les clients ont d’abord été surpris. Et puis le bouche-à-oreille a très vite fonctionné. » Pour garantir le succès de cette nouvelle entreprise, l’épicière n’hésite à pas à communiquer sur les réseaux sociaux.
Épicière, restauratrice et youtubeuse
Rebaptisé « Le marché de Pouliche » pour l’occasion, le lieu ne manque pas de charme. « À cette époque, il y avait du plastique jetable partout et des plexiglas derrière chaque humain, je voulais rendre l’endroit joli et gai à la fois. » Musique à fond, la jeune épicière propose les salaisons et charcuteries de la maison Montalet et ses huiles d’olive Kalios, en même temps que ses conseils culinaires. « Les gens se marraient de me voir galérer avec mes additions, se souvient la cheffe. Il y avait une belle insouciance malgré le contexte pesant. » La formule plaît. Les clients se pressent en nombre de 10 à 14 h pour accéder au garde-manger de la MOF. « Il y a des jours où il y avait la queue jusqu’à la rue du Faubourg-Saint-Denis. » Le concept fait des émules. D’autres restaurateurs, privés d’activité, s’inspirent de l’idée de la quadragénaire parisienne pour lancer à leur tour leur marché primeur.
Amandine Chaignot aurait pu se contenter de cette nouvelle activité. C’est mal connaître cette boulimique de travail. Lorsqu’elle n’est pas dans son épicerie, elle retourne à ses fourneaux pour confectionner entre 20 et 50 repas par jour destinés au personnel hospitalier, en collaboration avec le collectif Solidaires. À cette époque, les services de restauration ne parviennent pas à fournir suffisamment de repas aux nombreux soignants des hôpitaux. Quelques chefs se retroussent les manches et participent de leur cuisine au combat contre le virus.
De nouveaux projets
Pendant ces rares moments de temps libre, Amandine Chaignot trouve encore le temps de poster quelques tutoriels de cuisine facile sur YouTube, pour aider les débutants en cuisine condamnés à se préparer à manger deux fois par jour.
Depuis le 19 mai, Amandine Chaignot, comme tous les restaurateurs de France, a retrouvé son équipe et ses clients à sa table du numéro 11, rue d’Enghien. Les choses ont repris leur cours normal. Ou presque. La cheffe d’entreprise doit ouvrir dans quelques jours un nouvel établissement place du Théâtre de l’Atelier, à Montmartre, où elle habite. Le Café de Luce, du nom de sa grand-mère, sera un bistro typiquement parisien où l’on pourra venir boire un café crème avec un croissant au zinc et manger à midi des cuisses de grenouilles. Fini donc les activités d’épiceries ? L’intéressée ne ferme pas la porte au projet. « J’aimerais bien poursuivre cette activité. Il faut juste réfléchir à un modèle viable », confie dans un sourire malicieux l’infatigable et surprenante Parisienne.
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