France World

Vacataires, ces 10.000 agents de la Ville de Paris au statut précaire 

ne bénéficie d’aucune perspective d’évolution ou de promotion. En 2019, la mairie a employé 10.800 “collaborateurs vacataires”, en plus de 2.800 titulaires qui ont eux aussi effectué des vacations. Ces postes sont occupés à plus de 65% par des femmes, surtout pour des missions périscolaires à temps partiel (animation, gardiennage, etc).

“Théoriquement, le vacataire doit être utilisé pour accomplir des tâches ponctuelles et déterminées, détaille l’avocat. Mais si au bout de trois ans, on a un vacataire qui effectue les mêmes tâches tous les jours, c’est qu’il remplace l’équivalent d’un emploi à temps plein, et ça, ça pose problème”, pointe David Pilorge. Le recours à ces travailleurs semble être devenu la norme ces dernières années, avec 5,3 millions d’heures de travail effectuées par des vacataires en 2019. À l’hôtel de Ville, on assure que le recours à la vacation n’est utilisé que pour les remplacements en cas d’absences ou pour assurer un taux d’encadrement pour les périodes périscolaires. Théoriquement donc, jamais pour assurer l’équivalent d’un poste à temps plein. Une explication bien éloignée de la réalité des vacataires que Challenges a interrogés.

« Je n’ai pas de congés, pas de RTT. Je suis un pion »

Christine* fait du gardiennage et de l’animation dans des écoles de l’Est parisien depuis près d’une décennie avec ce statut de vacataire. Depuis trois ans, elle remplace une collègue gardienne en arrêt maladie. L’équivalent d’un temps plein pour un agent de la ville qui serait titulaire, mais pas pour elle: “La personne que je remplace n’est jamais là, évidemment que je fais un emploi à plein temps. Mais je n’ai pas de congés, pas de RTT. On n’est pas du tout reconnu, je suis un pion”, s’attriste-t-elle. 

Le 22 juin dernier, le couperet tombe: son quota d’heures de vacation est atteint -1.607 heures de vacation sur une année (la durée annuelle de temps de travail dans les collectivités pour un équivalent temps plein)- elle ne peut plus travailler. “La directrice de l’école a écrit un mail pour demander que je sois prolongée jusqu’à la fin de l’année scolaire.” Une demande refusée. Très touchée, elle regrette de ne pas pouvoir finir l’année scolaire comme ses collègues titulaires: “Je ne demande pas à être titularisée, juste qu’on nous traite mieux, là ce n’est pas humain.”

Dans les faits, tous les agents de vacataires ne font pas autant d’heures dans l’année. « Les vacations sont en très grande majorité des temps partiels: une moyenne de 379 heures par an, soit moins de 32 heures par mois », selon la Mairie de Paris. En inspectant les chiffres du bilan social des agents de la Ville de Paris, on s’aperçoit tout de même que plus de 3.100 personnes dépassent les 500 heures de vacation par an.

Lire aussi« Pas une minute de plus! »: la colère des agents de la Ville de Paris contre l’allongement de leurs heures de travail

“On peut être dégagé du jour au lendemain”

Matthieu, 23 ans, est animateur dans une école du XIXème arrondissement.  Agacé par sa situation, il pointe lui aussi les incohérences de son statut: “C’est une question de justice, je fais très souvent plus d’heures, mais je gagne 500-600 euros de moins qu’un titulaire.” Selon lui, les variations de salaire d’un mois sur l’autre peuvent être très importantes. Ce statut de vacataire représente aussi un inconfort vis-à-vis de la sécurité de l’emploi: “On peut être dégagé du jour au lendemain, je connais des gens à qui c’est arrivé”. Malgré de nombreuses de lettres de recommandation de ses supérieurs, Matthieu n’a pas obtenu sa titularisation. Des situations sur lesquelles les syndicats alertent régulièrement.

Nicolas Léger, co-secrétaire général du FSU-SUPAP, dénonce, lui, une forme de “vacation illégale”: “On a des collègues qui font l’équivalent d’un temps plein, voire parfois plus”, alarme-t-il. De plus, la mairie a été rattrapée plusieurs fois par la patrouille pour avoir sous-payé ses vacataires. Ces derniers sont rémunérés 10% au-dessus du Smic, mais par trois fois ces dernières années, la Ville aurait « oublié » d’ajuster les rémunérations avec l’augmentation annuelle du Smic. Des erreurs qui ont donné lieu à des rattrapages de salaire, de l’ordre parfois de plusieurs milliers d’euros selon Nicolas Léger.

Certains trouvent cependant bien des avantages à ce statut. Comme Sarah, qui fait des vacations depuis dix ans dans des écoles du XIIIème arrondissement. Des premières expériences qui ont commencé comme job étudiant, “pratique pour s’adapter à mon emploi du temps de fac”, explique-t-elle. Aujourd’hui, grâce à l’emploi de son mari, elle peut se permettre de ne faire que quelques vacations par mois. “Si je veux recommencer à travailler, j’ai juste à prendre mon téléphone, c’est une vrai liberté. Je n’ai jamais voulu être titularisée, parce que je ne voulais pas faire ça toute ma vie.”

La Ville assure vouloir limiter le nombre de vacataires

Selon David Pilorge, un agent avec un statut de vacataire peut prétendre à un CDI, sous certaines conditions. Mais bon nombre de ces vacataires ne sont soit pas au courant de ces dispositions, soit ne veulent pas se mettre en conflit avec l’administration, de peur ne plus être rappelés pour effectuer leurs heures de vacation. La Mairie de Paris admet quant à elle que ce statut est problématique en expliquant que “la politique globale est de limiter le nombre vacataires, qui est ainsi en légère baisse (-1% par rapport à 2018).” La réforme en cours du temps de travail de leurs collègues titulaires risque bien d’avoir un impact sur leur sort. La question de ces travailleurs doit d’ailleurs figurer à l’ordre du jour du Conseil de Paris au second semestre 2021.

*Le prénom a été modifié

]

Source

L’article Vacataires, ces 10.000 agents de la Ville de Paris au statut précaire  est apparu en premier sur zimo news.