Les Mexicains ont dit « oui ». Mais seuls 7 % des 93 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes, dimanche 1er août, lors d’un référendum sur d’éventuelles poursuites judiciaires contre les anciens présidents du Mexique. Une participation décevante à cet exercice inédit de démocratie participative, impulsé par le populaire président réformateur de centre gauche, Andres Manuel Lopez Obrador (« AMLO »), qui est parti en croisade contre la corruption. Un camouflet pour AMLO, dont l’initiative, en raison de son ambiguïté, a suscité la polémique au nom de l’équilibre des pouvoirs, laissant planer le doute sur sa portée, bien plus politique que judiciaire.
Seuls 6,5 millions d’électeurs se sont déplacés, dimanche, selon les résultats préliminaires de l’Institut national électoral (INE) d’un pays considéré comme l’une des grandes puissances les plus corrompues au monde. C’était pourtant la première fois que l’INE organisait un référendum à l’échelle nationale. Quelque 96 % des votants ont néanmoins exprimé leur soif de justice dans les urnes. Leur participation est restée très loin du seuil de 37,5 millions d’électeurs (40 %) nécessaire à rendre contraignant le résultat de cette consultation pour les autorités.
Des électeurs attendent de voter dans le cadre d’un référendum non contraignant, à San Miguel Topilejo (Mexique), le 31 juillet 2021. Ils doivent décider si les ex-présidents mexicains doivent être jugés pour tout acte illégal effectué pendant leur mandat. CHRISTIAN PALMA / AP
Il faut dire que la question posée aux Mexicains était plutôt tortueuse : « Etes-vous d’accord ou non pour que des actions pertinentes soient menées, conformément au cadre constitutionnel et légal, pour entreprendre un processus de clarification des décisions politiques prises dans le passé par les acteurs politiques, visant à garantir la justice et les droits des victimes potentielles ? » La formulation initiale, proposée en septembre 2020 par AMLO, mentionnait expressément les noms de ses cinq prédécesseurs : Carlos Salinas de Gortari (1988-1994), Ernesto Zedillo (1994-2000), Vicente Fox (2000-2006), Felipe Calderon (2006-2012) et Enrique Pena Nieto (2012-2018). La question d’AMLO faisait clairement référence à une possible action judiciaire contre leurs malversations supposées, alors que le Mexique est classé au 124e rang sur 179 du classement des Etats corrompus réalisé par l’organisation Transparency International.
« Un cirque politique »
Mais la Cour suprême a reformulé la question, invoquant le respect de la séparation des pouvoirs et de la présomption d’innocence. Les hauts magistrats ont néanmoins validé la tenue du référendum, qui occupe une place de choix dans l’agenda réformateur du président. AMLO fustige notamment les fraudes électorales orchestrées, selon lui, par M. Salinas de Gortari et M. Fox, ainsi que les financements électoraux illicites de son prédécesseur, M. Pena Nieto. Le président accuse M. Zedillo d’avoir accéléré des privatisations abusives. Quant à M. Calderon, AMLO a souligné « sa complicité, active ou passive », avec le crime organisé, alors que son ancien ministre de la sécurité publique, Genaro Garcia Luna, est poursuivi aux Etats-Unis pour narcotrafic. AMLO dénonce « le système antidémocratique et corrompu » instauré par le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre), au pouvoir de 1929 à 2000 puis de 2012 à 2018, perpétué par l’alternance du Parti Action nationale (PAN, droite) de 2000 à 2012.
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