C’est en entendant le « cccrrrrr » des flashs alors qu’il était plaqué au sol, les mains menottées dans le dos et le menton écrasé contre le bitume, que Gotham Wong a compris que la situation était sérieuse. Cet instant qui a bouleversé sa vie a été immortalisé par une photo de presse prise en ce milieu d’après-midi du 1er juillet 2020, dans le quartier de Causeway Bay.
Gotham est devenu, malgré lui, une sorte d’icône internationale : sa photo a fait le tour du monde comme symbole de la répression des autorités hongkongaises contre leur jeunesse, une répression qui s’est affirmée avec un nouveau degré d’autorité et de sévérité à la suite de la promulgation de la loi pour la préservation de la sécurité nationale (LSN), imposée par Pékin et alors tout juste entrée en vigueur quelques heures plus tôt, le 30 juin 2020, à 23 heures. La photo montre le visage d’un jeune homme en noir au regard perdu, une petite couette sur le haut du crâne en mode samouraï, entouré de bottes noires et d’uniformes verts des policiers antiémeute de Hongkong. Difficile d’y reconnaître le lycéen calme, réservé et terriblement sombre que l’on rencontre tout près du lieu de son arrestation, un an plus tard.
Gotham se souvient d’avoir alors été parcouru par plusieurs pensées : d’abord, « mince, mes parents », déjà en colère contre lui, comment allaient-ils réagir ? Ensuite, « mince, j’ai mal partout, mon menton écorché me brûle ». Mais il s’est vite dit aussi : « Au fond, c’est sans doute le prix à payer pour participer à une révolution, c’est normal que cela fasse mal à un moment ou un autre… » Il était toutefois tellement sonné qu’il en oublia presque de crier son nom avant d’être embarqué, une procédure mise au point par les manifestants pendant les événements de 2019 pour tenir à jour la liste des jeunes arrêtés.
« Rassemblement illégal »
Le 1er juillet 2020, Gotham faisait partie des quelques centaines de citoyens hongkongais qui avaient osé braver l’interdiction de manifester imposée officiellement pour « raisons sanitaires » en dépit d’une situation épidémique très bien contrôlée. A Hongkong, le 1er juillet a toujours été, depuis la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine le 1er juillet 1997, l’occasion d’une immense marche qui, au fil des ans, est quasiment devenue une tradition. Mais, après le grand mouvement de révolte qui eut lieu de juin à décembre 2019, intolérable du point de vue des autorités chinoises, Pékin s’est donné les moyens légaux et institutionnels de contrôler de beaucoup plus près la situation de sa petite région administrative spéciale.
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