Tribune. Le Monde du 10 juillet publie une tribune d’une historienne autochtone, Crystal Gail Fraser : « Nous ne connaissons manifestement toujours pas toute la vérité sur les pensionnats autochtones » sur la question des pensionnats autochtones au Canada. Je partage l’indignation de Mme Fraser devant les terribles injustices commises contre les peuples autochtones du Canada et suis sensible à sa description des conditions de vie dans les pensionnats autochtones.
Cependant, sa tribune contient des contrevérités et des abus de langage qui ne servent pas la cause de la justice et de la vérité. Mme Fraser affirme que la loi canadienne sur les Indiens, dont elle souligne qu’elle est toujours en vigueur, « criminalise certaines pratiques culturelles (cérémonies, danse du soleil, etc.), interdit aux autochtones de prendre un avocat et prévoit le placement forcé des enfants dans des “Indian residential schools” ». Il eût été honnête de préciser que ces clauses scandaleuses ne s’appliquent plus aux autochtones depuis soixante-dix ans car elles ont été supprimées de la loi en 1951.
Mme Fraser dénonce des « politiques ayant pour but d’affamer » les peuples autochtones. Il est indiscutable que les politiques coloniales et ethnocentriques ont eu des effets catastrophiques sur les conditions de vie des autochtones, mais prétendre que ces effets étaient le but recherché de ces politiques est un affront à la vérité.
Les mensonges et les exagérations sont contre-productifs
Au Canada, on a pratiqué une honteuse politique d’assujettissement des autochtones à une culture considérée comme supérieure. La religion était un instrument privilégié de cette « mission civilisatrice » héritée de la colonisation française puis britannique. Le terme « génocide culturel » est-il approprié pour décrire cette situation ? Peut-être, mais alors il serait possible d’affirmer que la France a pratiqué une politique génocidaire dans la majorité de ses colonies et même au sein de l’Hexagone, en Bretagne et en Occitanie notamment.
L’usage du terme « génocide » pour décrire l’oppression coloniale porte le risque de banalisation d’un concept forgé pour définir une action haineuse extrême visant à éradiquer physiquement des groupes ethniques comme les juifs à l’époque nazie, les tutsi au Rwanda ou les Arméniens pendant la Grande Guerre.
Convaincu du bien-fondé des revendications antiracistes en général et autochtones en particulier, je suis préoccupé par les mensonges et les exagérations qui ne servent qu’à alimenter la réaction contre ces revendications. Au Canada, comme en France, un mouvement de droite opposé au pluralisme instrumentalise les abus de langage des antiracistes pour discréditer la promotion des droits des minorités. Sur le terrain du mensonge et de l’émotion, les racistes seront toujours plus efficaces que nous. Restons sur le terrain de la vérité où les antiracistes seront toujours les plus forts !
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