Ils n’ont pas encore gagné la guerre mais grignotent chaque jour du terrain, alors que s’est accéléré, ces dernières semaines, le rythme de leur progression sur les chemins de la reconquête. L’avancée des talibans sur Kaboul, presque vingt ans après les attentats du 11-Septembre et la fuite des combattants du mollah Omar devant l’assaut de l’armée américaine et de ses alliés afghans, semble préfigurer le retour au pouvoir de ceux que l’on appelait autrefois les « étudiants en religion ».
Leur victoire ne ferait-elle ainsi plus de doute ? Le gouvernement du président Ashraf Ghani – dont la légitimité politique acquise par les urnes est pour le moins vacillante – va-t-il subir le sort de l’autocrate communiste Najibullah, défait par les moudjahidine de la résistance antisoviétique en 1992 ? En Afghanistan, peut-être encore plus qu’ailleurs, l’histoire bégaie dans la plus saisissante des répétitions.
Le parallèle entre la défaite annoncée du gouvernement afghan, dernier avatar du système « démocratique » mis sur pied au lendemain de l’intervention américaine de 2001, et la chute du régime communiste de Kaboul, enfanté par l’invasion soviétique de 1979, est tentant : « Najib », comme on appelait alors le dernier satrape « rouge » , parvint à résister trois ans au départ des soldats de l’armée de l’URSS, rentrés dans leurs foyers en février 1989.
Dans le contexte actuel, combien de temps l’armée du président Ghani va-t-elle pouvoir tenir alors que les troupes américaines ont, pour l’essentiel, déjà évacué l’Afghanistan au terme de presque vingt ans de présence et de conflits sanglants ? Coût de l’opération : 2 000 milliards de dollars, une cinquantaine de milliers de civils afghans morts, victimes de « dommages collatéraux », 70 000 soldats de l’armée régulière et près de 2 500 militaires américains tués au combat.
« Recrues locales »
« Il y a une différence de taille entre les deux époques, analyse Gilles Dorronsoro, spécialiste de l’Afghanistan et professeur de sciences politiques à l’université Panthéon-Sorbonne. En 1992, le président Najibullah était un vrai leader et son armée affrontait une coalition de moudjahidine désunis dont les commandants se disputaient le pouvoir. Les soldats du président Ghani combattent, eux, une véritable armée insurrectionnelle. Les talibans ne recrutent plus des adolescents sortis des madrasas pakistanaises comme lors des grandes offensives du passé, ce sont aujourd’hui des professionnels, bien équipés, capables à la fois de mener une guerre de guérilla, mais aussi des opérations plus complexes, comme le montre la concentration de leurs troupes à la périphérie des villes. »
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