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Gérard Théry, un des pères du Minitel, et artisan des télécoms à la française

« Serviteur de l’Etat » avec l’âme d’un « entrepreneur »: Gérard Théry, qui vient de décéder, a joué un rôle moteur dans l’aventure du Minitel en France, un des précurseurs de l’internet tombé ensuite en désuétude.

« Ça a été une innovation formidable. Ce qui m’attriste, c’est qu’elle n’a pas du tout été exploitée. Avec tout ce qui était dans le Minitel, logiciels, composants, on aurait pu connaître une aventure extraordinaire et faire un internet européen », imaginait encore en 2012 cet ancien directeur général des Télécommunications (1974-1981), ancêtre de France Télécom, interrogé par le site Economiematin.

Ce polytechnicien, décédé le 18 juillet à Paris à l’âge de 88 ans, a travaillé toute sa vie dans le domaine des télécommunications, en grande partie au sein de l’Etat, et son fait d’armes principal est d’avoir impulsé le Minitel.

Ce terminal cubique donnant accès au vidéotexte, livré gratuitement avec le téléphone, a longtemps été un des fleurons français avant d’être supplanté dans les usages par le World Wide Web dans les années 1990 et de s’éteindre le 30 juin 2012, 30 ans après son lancement commercial.

« C’était un serviteur de l’Etat, mais pas un administrateur, il avait le tempérament d’un entrepreneur », se souvient auprès de l’AFP Bernard Marti, ingénieur dans le Centre commun d’étude de télévision et télécommunication (CCETT) et qui a travaillé sur le projet.

« Son but initial était de relancer le réseau téléphonique pour combler le retard abyssal pris par la France » au milieu des années 1970. « Il a tellement bien réussi qu’il a mis les industriels en surchauffe », note M. Marti.

– « Vocation d’innover » –

A son apogée, en 1996, le Minitel recensait plus de 10.000 fournisseurs de contenus pour 26.000 services actifs. Las, le chiffre d’affaires culmine à un milliard d’euros et la technologie n’a jamais réussi à s’exporter.

Gérard Théry à Nantes le 31 mai 1999 (AFP/Archives – Frank PERRY)

Neuf millions de terminaux étaient en circulation au début des années 2000. Il restait encore près d’un demi-million d’utilisateurs jusqu’au-boutistes fin 2011, six mois avant la fin du Minitel en raison d’impératifs techniques.

« Il y avait tous les éléments pour faire un système de messagerie grand public. Mais la France a perdu cette vocation d’innover », regrettait dans Economiematin M. Théry, passé par le ministère des PTT en 1955 conseiller du ministre Jacques Marette, en 1966-1967.

« J’ai considéré (le Minitel, ndlr) comme une grande chose même s’il s’est terminé par une impasse », estimait-il encore en 2019, dans une intervention auprès de l’Association pour l’Histoire des Télécommunications et de l’Informatique.

Il reconnaissait d’ailleurs que les « télécommunicants » français – dont lui-même, auteur en 1994 d’un rapport sur « les autoroutes de l’information » qui jugeait internet « mal adapté à la fourniture de services commerciaux » – avaient manqué un « très grand virage conceptuel » : « le passage du commuté au routé ».

« Un réseau internet commuté est centralisé, les informations sont échangées comme dans une ligne de chemin de fer », illustre M. Marti. A l’inverse, « dans le système routé, il y a plein d’itinéraires pour aller chercher les données, internet est plus morcelé, décentralisé. »

Une logique qui a fini par l’emporter mais qui n’était pas celle de M. Théry.

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