L’Etat français va devoir justifier auprès de la Commission européenne l’octroi à la Française des Jeux (FDJ), privatisée fin 2019, de droits exclusifs pour exploiter des loteries et paris sportifs pendant 25 ans, moyennant le versement de 380 millions d’euros.
Bruxelles a annoncé lundi ouvrir une enquête approfondie sur cet avantage accordé au principal opérateur de jeux d’argent et de hasard en France, afin de vérifier si celui-ci a pu constituer une violation des règles de l’UE en matière d’aides d’Etat.
La Commission européenne n’exclut pas, a-t-elle précisé dans un communiqué, que « la mesure puisse procurer un avantage économique indu à la Française des Jeux », héritière de la loterie nationale, qui en 2019 avait enregistré un record de 17 milliards d’euros de mises de joueurs.
Cet octroi de droits exclusifs à la FDJ « concerne l’exploitation d’une part des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne, et d’autre part des paris sportifs commercialisés en réseau physique de distribution », a rappelé la Commission.
Après avoir reçu « deux plaintes portant sur la somme de 380 millions d’euros versée à la France par la Française des Jeux, en rémunération des droits exclusifs accordés », la Commission a décidé de vérifier la conformité de cette rémunération « aux conditions du marché », a-t-elle expliqué.
« L’ouverture d’une enquête approfondie donne à la France et à toutes les parties intéressées l’occasion de formuler leurs observations sur la mesure en cause. Elle ne préjuge en rien de l’issue de l’enquête », a précisé l’exécutif européen.
Cette annonce a fait fléchir l’action de la FDJ à la Bourse de Paris: celle-ci a cédé 3,73% à 47,71 euros, dans un marché qui a fini en légère hausse de 0,15%.
Le 21 novembre 2019, la privatisation de la FDJ s’était d’emblée placée au palmarès des dix plus grosses introductions en Bourse réalisées en France depuis le début du siècle. Un demi-million de personnes avaient participé à la souscription.
« La Commission européenne va regarder si le privilège de pouvoir organiser les loteries et les paris sportifs est ou non constitutif d’une aide d’Etat », a commenté Me Alexis Deroudille, avocat au barreau de Paris. « Les aides d’Etat sont très réglementées, et sont normalement interdites, sauf dans des domaines comme la Politique agricole commune (PAC) ».
– 25 ans et 380 millions –
« Un certain nombre de critères jurisprudentiels permettent de déterminer de façon assez fine si l’on est en présence d’une aide d’Etat illicite ou non: est-ce une aide discriminatoire ou non? Privilégie-t-elle de façon indue cet acteur? Crée-t-elle des distorsions économiques? », poursuit l’avocat.
De son côté, « l’Etat français mettra en oeuvre tous les moyens nécessaires pour défendre sa position, dans les débats soulevés par la Commission », souligne-t-il.
Interrogé par l’AFP, le ministère de l’Economie « prend bonne note de la décision de la Commission européenne ».
« Nous sommes totalement confiants dans la manière dont cette opération a été menée, avec une information prélable de la Commission, et dans sa rigueur juridique », ajoute-t-il.
La FDJ a dit pour sa part « prendre acte » de l’ouverture de cette enquête qui prendra plusieurs mois, tout en rappelant que son document d’enregistrement du 17 octobre 2019, préalable à son introduction en Bourse, soulignait « les risques de recours contre les textes ayant permis sa privatisation, notamment ceux découlant de la loi Pacte ».
Adoptée en avril 2019, la loi Pacte qui a réformé le régime des jeux de hasard en France, a ouvert la voie à un vaste programme de cession d’actifs et autorisé le transfert au privé de la majorité du capital de l’opérateur de jeux, l’Etat français restant actionnaire minoritaire.
La FDJ s’était, dans ce cadre, vu confier par l’Etat français l’organisation et l’exploitation à titre exclusif de jeux de loterie et de paris sportifs pour une durée ne pouvant excéder 25 ans.
En contrepartie, elle a dû verser 380 millions d’euros à l’Etat.
Lundi, la FDJ a tenu à rappeler que le Conseil d’Etat avait déjà eu à trancher en 2020 une requête aux fins de saisine du Conseil constitutionnel en Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qu’il a rejetée le 19 août 2020. En outre, plusieurs autres recours sont toujours pendants devant le Conseil d’Etat.
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