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L’attaquant zambien Kalusha Bwalya lors d’un match Zambie-Mozambique au Burkina, en février 1998. ERIC CABANIS/AFP
Ce 19 septembre 1988, les Italiens ont dû trouver un goût amer à leur expresso matinal. C’est à l’heure du petit déjeuner, décalage horaire oblige, qu’ils ont assisté à la défaite cuisante de leur sélection nationale, aux Jeux olympiques de Séoul, face à la Zambie, avec un score sans appel de 4-0. Dans un pays où le football est une affaire très sérieuse, cette déculottée a du mal à passer. L’Italie, malgré la présence de nombreux joueurs de la Juventus Turin, de Naples ou du Milan AC, vient de subir un affront historique infligé par une bande d’inconnus, répartis entre la Zambie pour la majorité d’entre eux, la Belgique et la Suisse.
Les Chipolopolo – le surnom de l’équipe zambienne qui signifie « boulets de cuivre » – ont accompli le plus grand exploit sportif national depuis l’indépendance acquise en 1964. Et un homme incarne plus que les autres cette fierté de tout un pays. Il s’appelle Kalusha Bwalya. L’attaquant de 25 ans s’est construit une petite réputation au Cercle Bruges, en Belgique, où il a débarqué en 1985 en provenance de Mufulira United, le club de sa ville natale. Avant d’affronter l’Italie à Gwangju, à 270 kilomètres de Séoul, la Zambie a pourtant été tenue en échec par l’Irak (2-2), alors que les Transalpins ont rossé des Guatémaltèques trop naïfs (5-2).
La Squadra Azzura, bien sûr, ne peut pas perdre. Pour tous les spécialistes du football international, il s’agit d’une hypothèse insensée. « Mais ce jour-là, la Zambie a sans doute joué son meilleur football depuis au moins une décennie », se souvient Bwalya. L’attaquant, avec un pied gauche qui fera plus tard le bonheur du PSV Eindhoven (Pays-Bas) et de l’America Mexico (Mexique), surprend une première fois les Italiens en marquant juste avant la mi-temps. Stefano Tacconi, le gardien de la Juventus Turin, ignore à ce moment-là que son cauchemar ne fait que commencer.
Dix minutes après le quart d’heure de repos réglementaire, Kalusha Bwalya, sur un coup franc pourtant excentré, plonge un peu plus l’Italie dans le doute. « Ce but nous a donné encore plus de confiance. Nous avions l’impression d’être très forts, que notre adversaire ne pourrait pas revenir », raconte le buteur. Un homonyme, Johnson Bwalya, poursuit l’épopée en marquant le troisième but. Et Kalusha, qui a décidé d’être le héros du jour, y va de son triplé dans les derniers instants d’un match « dont on parlera pendant des générations ».
Savon mémorable
Le monde est surpris par l’ampleur du score, sans trop savoir si la Zambie a été vraiment exceptionnelle ou si l’Italie, trop sûre d’elle, est passée à côté de la rencontre. « Nous nous sommes surpris nous-même. Je pense que beaucoup de gens ont découvert l’existence de la Zambie ce jour-là ! », décrit Bwalya. Les Italiens, honteux et vexés, filent tout droit au vestiaire où leur sélectionneur, Francesco Rocca, leur passa, selon la légende, un savon mémorable.
Pendant ce temps, les Chipolopolo, qui ont rallié à leur cause les spectateurs sud-coréens originellement neutres, savourent leur performance en restant de longues minutes sur la pelouse du Mudeug Stadium. « Nous étions venus en Corée du Sud sans réel objectif, sinon celui de laisser une bonne impression et faire de notre mieux, poursuit celui qui deviendra plus tard président de la Fédération zambienne. Je pense que notre performance a donné confiance à d’autres sélections africaines pour les JO suivants. » Une allusion au Nigeria et au Cameroun, sacrés champions olympiques en 1996 et 2000.
Deux jours après l’exploit, la Zambie corrigera le Guatemala (4-0) avec deux nouveaux buts de Kalusha Bwalya, avant de chuter lourdement en quarts de finale face à une Allemagne qu’on appelait encore RFA (0-4), et future médaillée de bronze : « Les Allemands se méfiaient sans doute de nous, après notre victoire contre l’Italie. Ils ont marqué très vite, ont profité de nos petites erreurs de concentration, mais cette défaite n’effacera jamais ce que nous avons fait en Corée du Sud. »
L’histoire de cette épatante équipe zambienne sera aussi marquée par une tragédie. Le 27 avril 1993, à 500 mètres des côtes gabonaises, face à Libreville, l’avion qui transportait les vingt-cinq membres de la délégation zambienne et cinq membres d’équipage s’écrasa dans l’Atlantique à cause d’une erreur de pilotage. Tous les passagers furent tués, dont dix-huit footballeurs. Six d’entre eux avaient participé aux JO de Séoul. « On a perdu des joueurs très prometteurs, toute une génération. Il ne se passe pas un jour sans que je pense à eux », soupire le héros de Séoul. Comme un juste retour du sort, en 2012, la Zambie est devenue championne d’Afrique, à Libreville justement.
Sommaire de notre série « Ces Africains qui ont fait les JO »
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