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ReportageDepuis 2014, les habitants de Zaïtsevo subissent la guerre au quotidien. Ils cohabitent avec les soldats ukrainiens, à quelques centaines de mètres des séparatistes prorusses.
Dans le village, personne ne parle jamais de la guerre. A quoi bon ? Elle est juste là, sous leurs yeux. Voilà sept ans que la ligne de front coupe en deux Zaïtsevo, dans le Donbass, dans l’est de l’Ukraine. Sept ans que les habitants croisent chaque jour les soldats dans la rue, à l’épicerie ou devant la barrière en fer qui délimite la « zone rouge », interdite d’accès. Les séparatistes prorusses, soutenus en sous-main par Moscou, ne sont qu’à quelques centaines de mètres, de l’autre côté du village bordé de tranchées. Les tirs surviennent souvent le soir, après 18 heures, sans que l’on sache trop quel camp a commencé.
Avant la guerre, 4 000 personnes vivaient là. Aujourd’hui, Zaïtsevo ne compte plus que 800 habitants dans la partie contrôlée par le gouvernement ukrainien, et 200 côté séparatiste. Tous ceux qui le pouvaient ont fui. Ne restent plus que les personnes âgées – souvent des nostalgiques de l’URSS – et quelques familles qui n’ont nulle part où aller. Celle de Katia Schuman, 31 ans, en fait partie. En ce dimanche de juin, la jeune femme, boucles blondes et Perfecto, discute avec deux amies à l’épicerie, pendant que ses trois enfants s’amusent dans l’arrière-boutique. Ils savent qu’ils n’ont pas le droit d’aller jouer dans les champs, jonchés de mines. « Ils ont déjà trouvé une mine antipersonnel et une roquette non explosée dans notre jardin, raconte leur mère. Ils ont l’habitude, ils ne les touchent pas. »
Familles déchirées
Quand elle a acheté sa maison, il y a sept ans, « il y avait tout, ici, se souvient-elle. Un bus toutes les trente minutes, du travail, la nature… C’était très bien ». La guerre a éclaté un mois plus tard. Sa maison a été ravagée à deux reprises, puis reconstruite grâce à l’aide humanitaire. La jeune femme soupire, l’air résigné : « Tout est détruit, ici. Je voudrais partir, mais pour aller où ? »
Maya Bikhovaya, 48 ans, ici le 7 juin 2021, est vendeuse dans une petite boutique d’alimentation dans le village de Zaïtsevo, dans la région du Donbass, en Ukraine. Sa belle-mère a été tué en 2020 par un éclat d’obus dans son jardin. GUILLAUME HERBAUT / AGENCE VU’ POUR « LE MONDE »
Dans le village, le bus ne passe plus qu’une fois par semaine, la vie économique s’est arrêtée, et une ambulance met désormais près d’une heure à arriver. Il n’y a plus d’école non plus : l’établissement, resté côté séparatiste, a été détruit par les combats puis transformé en position militaire. La situation s’est encore aggravée depuis la fermeture, en mars 2020, du checkpoint de Maïorsk, non loin, qui permettait aux habitants d’aller travailler en face et de voir leurs proches. Les insurgés prorusses refusent de le rouvrir, officiellement pour enrayer l’épidémie de Covid.
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