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L’athlète marocaine Nawal Al-Moutawakel remporte la médaille d’or du 400 mètres haies féminin aux Jeux olympiques de Los Angeles, le 8 août 1984. BOB THOMAS / GETTY IMAGES
Elle a eu peur. Peur de tomber, de rater un obstacle, de perdre. Car tout un pays mise sur elle : aux Jeux olympiques de Los Angeles, en 1984, Nawal Al-Moutawakel est la seule athlète féminine que compte la délégation marocaine.
Ce 8 août, la jeune sprinteuse de 22 ans est en finale du 400 mètres haies. Il fait chaud et humide. Elle est concentrée et imagine déjà sa traversée du Memorial Coliseum. Hors du Maroc, pourtant, personne ne s’attend à une course parfaite de cette quasi-inconnue au dossard 272 originaire de Casablanca.
En l’absence de l’URSS ainsi que de quatorze autres pays issus du bloc communiste qui boycottent ces Jeux, les prétendantes au titre suprême sont la Roumaine Cristina Cojocaru, l’Indienne P. T. Usha et l’Américaine Judi Brown, copieusement applaudie par un stade noir de monde. Nawal Al-Moutawakel a étudié, avec ses entraîneurs, les points forts et les faiblesses de ses concurrentes : elle se sent capable de les battre.
Depuis quelques mois, la Marocaine prépare une maîtrise de sciences, option éducation physique, à l’université de l’Iowa. Et c’est dans ce coin du Midwest américain qu’elle progresse : elle améliore ses foulées, sa vitesse, sa technique pour franchir les haies, finissant par gagner de précieuses dixièmes de secondes.
Une aisance insolente
D’un modeste 56’’59 aux Jeux méditerranéens de Casablanca en 1983 (qu’elle remporte), elle passe à 55’’84 lors des championnats universitaires américains. Elle porte même en début d’année le record d’Afrique de la distance à 55’’37. Le chrono est son nouvel allié.
Les huit sprinteuses sont dans les starting-blocks. Faux départ. Nawal Al-Moutawakel, short rouge et maillot vert, ligne 3, croit que c’est elle la coupable. Il ne faut pas se déconcentrer. Nouveau départ. L’étoile marocaine file à toute vitesse dans son couloir, court comme si sa vie en dépendait, franchit les dix haies avec une aisance insolente.
A quelques mètres de l’arrivée, elle jette un coup d’œil à gauche, un autre à droite : mais où sont ses adversaires ? Y aurait-il eu un autre faux départ et serait-elle la seule à galoper… Non, ses rivales sont simplement à des années-lumière derrière elle.
Nawal Al-Moutawakel remporte la médaille d’or en 54’’61. Elle manque de s’évanouir. L’Américaine Judi Brown, deuxième de la finale, et la Jamaicaine Sandra Farmer-Patrick (dernière) la retiennent avant de la prendre dans leurs bras. Drapeau marocain à la main, elle pleure et pense à son père, disparu quelques mois plus tôt, qui l’a toujours encouragée à embrasser cette discipline.
Un tournant pour les sportives
Son exploit est éternel : elle apporte au Maroc le premier titre olympique de son histoire et devient la première Maghrébine, la première Arabe, la première musulmane et la première Africaine à remporter l’or des Jeux.
Qui aurait misé ses dollars sur cette femme au petit gabarit (1,59 m), avec son air de garçon manqué et sa coupe de footballeur ? Les journalistes internationaux comprennent qu’elle vient de… Monaco. Elle doit sans cesse rappeler qu’elle représente le « Morocco » (Maroc en anglais). Au pays, la fierté est à son comble et le roi Hassan II décrète que toutes les filles nées en ce 8 août 1984 devront se prénommer Nawal.
C’est la première fois que le 400 mètres haies féminin est au programme olympique. Tout comme le marathon ou encore l’heptathlon. Los Angeles a été un tournant pour les sportives : les JO se féminisent un peu plus encore. Cette situation aurait déplu à Pierre de Coubertin : le père des Jeux modernes ne voulait pas voir de compétitrices participer à son prestigieux tournoi.
« Le véritable héros olympique est à mes yeux l’adulte mâle individuel. Les Jeux olympiques doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs. Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte », avait-il déclaré.
Nawal Al-Moutawakel va se battre pour la cause des femmes, « trop rares » dans le monde du sport. Ce combat ne se limite pas à la pratique, mais porte également sur l’accès aux instances dirigeantes. Ainsi, la Marocaine fait son entrée, en 1998, au Comité international olympique (CIO) et multiplie les mandats : vice-présidente du CIO (2012-2016), elle a dirigé le comité d’évaluation des Jeux de Londres de 2012 ou encore la commission de coordination des JO de Rio 2016…
Dans son pays, elle a été, entre autres, nommée ministre de la jeunesse et des sports (2007-2009). A 59 ans, Nawal Al-Moutawakel est l’une des femmes les plus influentes du sport mondial.
Sommaire de notre série « Ces Africains qui ont fait les JO »
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