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Aberrations archéologiques, rénovations grossières et corruption, les fantasques châteaux bulgares

Par Jean-Baptiste Chastand

Publié aujourd’hui à 17h00

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ReportageDepuis une dizaine d’années, fausses forteresses, faux remparts et fausses basiliques ont été érigés un peu partout. Ces constructions kitsch et toc, souvent réalisées aux frais de l’Union européenne, sont censées rappeler à ce pays des Balkans une grandeur révolue depuis plusieurs siècles.

Le château Amoureux du vent de Ravadinovo. Une des fausses forteresses qui ont fleuri en Bulgarie. Furkan Temir pour M Le magazine du Monde

La fontaine kitsch avec son eau qui coule sur demande ? « On l’a construite, moi et sept Gitans, en trente-deux jours. Si Gaudí voyait ça, il se retournerait dans sa tombe. » Le petit temple paré d’or au plafond peint d’étoiles ? « Je l’ai fait moi, avec seulement deux Gitans» La cave à vin avec ses chaises de style Empire made in Indonésie ? « Moi, avec seulement sept Manouches, les stalagmites sont ma fierté, ça va durer cent ans»

Bienvenue au château Amoureux du vent, à Ravadinovo, à quelques kilomètres de la mer Noire, tout à l’est de la Bulgarie. C’est Georgi Tumpalov qui fait la visite. Celui qui se présente tout à la fois comme « l’architecte, le constructeur, le jardinier et le maestro » de ce bâtiment au style pseudo-médiéval n’est pas difficile à reconnaître : il sert de modèle à la grande statue de soldat en armure qui accueille les visiteurs.

« J’ai commencé à construire ce château il y a vingt-six ans, à partir d’un conte de fées. J’ai trouvé ce coin où il y a toujours du vent et j’ai dessiné une croix dans le sable avec une pelle. Après, on a juste dressé les murs selon mes plans », raconte le solide bonhomme d’une soixantaine d’années, longs cheveux gris, cigare à la main et croix orthodoxe au cou, qui reçoit, entouré de fausses armures de chevaliers, dans son bar décoré d’une fresque pseudo-Renaissance au plafond. « Le château est désormais reconnaissable dans le monde entier », assure-t-il sans fausse modestie, en listant tous les concours en ligne remportés par son bébé.

Un roman national en béton

Du sol au plafond de ce bâtiment, une coque vide bien emballée et entourée d’un grand parc verdoyant, tout est faux. Et pourtant, en cette fin juin, les Bulgares se précipitent en payant 20 leva (environ 10 euros – la Bulgarie membre de l’Union européenne n’a pas adopté la monnaie unique) l’entrée pour voir le rêve de cet ancien flic du temps du communisme devenu ensuite, dans des conditions très mystérieuses, assez riche pour ériger ce palais du facteur Cheval à la sauce bulgare. Son fils a même eu les moyens de construire un parc aquatique juste à côté.

Georgi Tumpalov, concepteur, constructeur et hôte du château Amoureux du vent de Ravadinovo, en juin 2021. Furkan Temir pour M Le magazine du Monde

« On revient pour la deuxième fois », assurent, enthousiastes, deux femmes venues de Sofia. « Je trouve ça beau, même si je sais que ce n’est pas authentique », renchérit une autre. Car, si Ravadinovo peut sembler être un projet un peu fou, il est le symbole d’une vague bien réelle en Bulgarie : les fausses forteresses. Ces dix dernières années ont été érigés un peu partout dans ce pays – le plus pauvre de l’Union européenne (UE) – des faux châteaux, faux remparts ou fausses basiliques sur ce qui était parfois des fondations bien réelles.

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