Comme chaque année, des milliers d’ovins et de bovins sont toujours transportés par camions et par bateaux à travers l’Europe, par des températures estivales parfois extrêmes. Si elle existe, la réglementation de l’Union est rarement appliquée faute de moyens, de contrôles et de sanctions dissuasives. La France restant aux abonnés absents, la solution pourrait venir des instances européennes. La Fondation 30 Millions d’Amis réclame, elle, l’interdiction des transports d’animaux vivants hors UE.
Des animaux entassés dans des camions surchargés sous des températures caniculaires pendant de (trop) longues heures… Ces scènes reviennent pourtant chaque été dans l’indifférence de certains gouvernements européens, dont la France.
Des transports routiers interminables
Si les transports d’animaux vivants ont lieu toute l’année, le calvaire prend une toute autre dimension en période estivale avec le mercure qui s’affole et les (trop nombreux) kilomètres avalés. « L’été, c’est la grande saison des transports, regrette Léopoldine Charbonneaux, directrice du CIWF France (Compassion in World Farming) contactée par 30millionsdamis.fr. Ils sont particulièrement fatigants pour les animaux, stressants avec parfois des températures extrêmes et des problèmes d’abreuvement. Qu’on se le dise, plus un transport est long, plus il sera source de problèmes. »
En théorie, la réglementation européenne CE1/2005 est censée protéger ces animaux, imposant « une attention particulière portée à l‘aptitude des animaux au transport, aux conditions de transport, aux contrôles vétérinaires, au traitement des animaux et aux différents modes de transport ».
Plus un transport est long, plus il sera source de problèmes.
Léopoldine Charbonneaux, directrice du CIWF France
« Dans la pratique, on en est loin, rappelle Léopoldine Charbonneaux. L’application du règlement revient aux pays. La réalité, c’est un manque de contrôle et de volonté politique. Les sanctions ne sont pas dissuasives. Le personnel est très peu formé, les temps de repos pas respectés… »
Si le pays de départ est « responsable de l’application jusqu’au bout », le flou est de mise une fois les frontières européennes traversées. Les « carnets de routes sont parfois irréalistes », de nombreux employés « ne prennent pas en compte les horaires de fermeture des préfectures délivrant les autorisations ». « De la Bulgarie à la Turquie, les temps d’attente sont terribles par exemple, relate la directrice de CIWF France. Et une fois la frontière passée, il n’y a plus aucun suivi. »
Les transports maritimes, « des navires poubelles »
En mer, les conditions des animaux transportés choquent tout autant. On l’a vu avec les 130 000 moutons bloqués dans le Canal de Suez fin mai 2021. Ou encore la triste odyssée des centaines de bovins de l’Elbeik et du Karim Allah abattus au port de Carthagène (Espagne) après plus de deux mois d’errance en mer suite à un blocage administratif de la Turquie à la mi-décembre 2020.
« La grosse différence entre les camions et les bateaux, c’est qu’en mer, il n’y a pas de limitation d’heure, rappelle Reha Hutin, présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis. Ces transports maritimes sont de véritables navires-poubelles. C’est un enfer pour les animaux. ».
Dans une enquête poussée, l’association Robin des Bois, Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich ont souligné les manquements gravissimes à bord des 78 bétaillères maritimes agréées par l’Union européenne. Parmi elles, seules 5 étaient réellement conçues à cet effet. « En mer, une machine-outil est transportée avec plus de soins qu’une vache et un lot d’ordinateurs avec plus de précautions qu’un troupeau de moutons », a lâché un responsable de l’enquête.
La commission d’enquête de l’UE, une lueur d’espoir ?
En mer, une machine-outil est transportée avec plus de soins qu’une vache!
Association Robin des Bois
Seule éclaircie à ce sombre tableau, l’UE a également lancé de son côté une commission d’enquête en juin 2020 qui devrait rendre ses conclusions à la fin 2021. « C’est un premier pas important qui va nous donner les moyens de nous pencher sur les raisons de ces souffrances endurées par les animaux », s’était félicitée l’eurodéputée (Verts/ALE) Caroline Roose.
Une bonne nouvelle que souligne également CIWF indiquant que « les avancées viendront de l’Europe ». « Nous attendons beaucoup de cette commission d’enquête, explique Léopoldine Charbonneaux. Après des années sclérosée, la Commission européenne commence à s’activer. C’est une volonté que nous n’avions pas vue jusque-là. »
Toutefois, les ministres de l’Agriculture des 27 Etats réunis le 28 juin 2021 ne se sont pas prononcés en faveur de l’interdiction des exportations d’animaux à destination des pays tiers, s’inquiète Welfarm dans un communiqué. L’association de défense des animaux de ferme regrette « la position du Conseil de l’Union européenne, qui se contente d’une série de mesures partielles, dont l’objet consiste à protéger juste un peu plus les animaux pendant le transport ». L’Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas avaient pourtant réclamé l’interdiction, à l’échelle de l’Union européenne, du transport de bétail sur de longues distances vers les pays tiers, par camion et par bateau.
Et la France ?!
La France, elle, ne devrait pas jouer le rôle de locomotive sur le sujet, tant les gouvernements successifs ont été absents du débat autour des transports d’animaux vivants. Même si le cabinet du ministre de l’Agriculture a affirmé dans les colonnes du Parisien qu’un « décret viendra prochainement concrétiser les annonces gouvernementales en améliorant notamment les conditions de transport par voie maritime ». Durant l’été, l’association Welfarm relance son application « Truck Alert » permettant de signaler les transports d’animaux vivants par plus de 30°C, dans le but d’obtenir l’interdiction de ces trajets par fortes chaleurs et la suspension des exportations d’animaux à destination des pays tiers de l’Union européenne.
La Fondation 30 Millions d’Amis milite depuis de nombreuses années pour une limitation des transports d’animaux vivants à 8 heures par jour et pour l’arrêt des exportations hors Union européenne. La pétition de la Fondation pour réclamer l’arrêt des transports d’animaux de boucherie en temps de canicule a recueilli près de 85 000 signatures, alors que 81 % des Français se déclarent favorables à ce que les animaux de ferme soient abattus sur le lieu de leur élevage par des professionnels, pour éviter les souffrances liées au transport des animaux et les scandales de maltraitance dans les abattoirs (Baromètre Fondation 30 Millions d’Amis/Ifop, 2021).
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