Publié le : 19/07/2021 – 17:42
Le projet de loi du gouvernement visant à adapter la politique sanitaire à la progression du variant Delta est soumis cette semaine au vote du Parlement. Ce durcissement des mesures, qui inclut l’extension du pass sanitaire et introduit la quarantaine obligatoire, suscite un vif débat idéologique ainsi qu’une myriade de questions pratiques, notamment sur l’application des contrôles.
« Partout, nous aurons la même démarche : reconnaître le civisme et faire porter les restrictions sur les non-vaccinés plutôt que sur tous. » Le 12 juillet, Emmanuel Macron annonçait une série de mesures pour contrer la rapide progression du variant Delta. Ce projet de loi sanitaire, qui doit être voté cette semaine par le Parlement, inclut la vaccination obligatoire pour les professions au contact de personnes fragiles, mais aussi l’extension du pass sanitaire à de nombreux lieux publics, ainsi que l’introduction de la quarantaine obligatoire pour les personnes infectées. Autant de mesures qui représentent un tournant majeur dans la politique sanitaire de la France et suscitent de vifs débats dans l’Hexagone.
Débat idéologique
Soucieux de préserver le redémarrage de l’économie française, le gouvernement prône aujourd’hui la manière forte pour éviter un nouveau confinement. Une approche approuvée par une majorité de Français selon plusieurs sondages, comme celui de l’institut Ipsos-Sopra Steria qui estime que 62 % de la population est favorable à l’utilisation du pass sanitaire pour entrer dans un lieu public. Pour autant, alors que les Français s’étaient jusqu’ici montrés plutôt sages vis-à-vis de la politique sanitaire du gouvernement, des dizaines de milliers de manifestants – 114 000 selon le ministère de l’Intérieur – ont battu le pavé samedi 17 juillet à travers le pays, au nom de la défense des libertés individuelles contre la « dictature » du pass sanitaire.
Des rassemblements rejoints par les « anti-vaccins » mais également des milliers de manifestants venus exprimer leur colère face au tournant de la politique sanitaire française. « Il faut arrêter le gouvernement du mensonge« , dénonçait lundi Florian Philippot, ancien membre du Rassemblement national aujourd’hui à la tête de son mouvement Les Patriotes, assimilant la politique du gouvernement à une obligation vaccinale à peine déguisée. Pour favoriser la vaccination, le gouvernement a annoncé qu’il rendrait payants les tests dits « de confort » dès l’automne. Pour autant, l’exécutif rejette toute accusation de dérive autoritaire : nous cherchons au contraire à « empiéter le moins possible sur les libertés des Français », a affirmé lundi le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, jugeant les nouvelles mesures indispensables pour contrer la reprise « stratosphérique » de l’épidémie de Covid-19.
Un projet de loi discriminatoire ?
Alors que l’utilisation du pass sanitaire devait initialement être limitée à la fréquentation des grands rassemblements de plus de 1 000 personnes et permettre de voyager librement en Europe, le gouvernement souhaite aujourd’hui l’étendre à de nombreuses activités de la vie quotidienne. Dès mercredi, il doit devenir obligatoire dans tous les lieux de loisirs et de culture rassemblant plus de 50 personnes, avant d’être étendu début août aux cafés, restaurants, à certains centres commerciaux, aux hôpitaux et maisons de retraite ou bien encore à tous les trajets longue distance en avion, en train ou en car.
Jugeant cette mesure discriminatoire, plusieurs gérants de salles obscures, producteurs et distributeurs ont annoncé avoir saisi le Conseil d’État. « Les organisations signataires demandent au juge de reporter la mise en œuvre du pass sanitaire en alignant a minima la date et les modalités de cette mesure pour tous les secteurs accueillant du public », peut-on lire dans le communiqué daté du 16 juillet. Les neuf associations signataires jugent notamment que cette mesure à « effet quasi immédiat » ne permet pas « d’anticiper la situation” et « fragilise fortement l’ensemble du secteur ». Des critiques que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a tenté de désamorcer dans le JDD, le 18 juillet : « Le pass sanitaire ne devrait pas affecter le chiffre d’affaires des secteurs concernés, que nous continuons par ailleurs à soutenir tout au long de l’été grâce au fonds de solidarité. » Lancées en mars 2020 par le gouvernement pour maintenir à flots les entreprises particulièrement touchées par le Covid-19, ces aides ont depuis été prolongées jusqu’au 16 août.
Le casse-tête des contrôles
Enfin, un certain flou demeure quant à l’application des mesures de contrôles pour assurer le bon respect de ces nouvelles règles. L’avant-projet de loi stipulait que les exploitants des lieux ou établissements, les organisateurs d’événements ainsi que les exploitants de services de transport étaient tenus de contrôler les pass sanitaires sous peine d’une amende de 45 000 euros et d’un an d’emprisonnement. Une règle remise en cause par le ministre Bruno Le Maire lundi sur France 2 : « Il faut toujours des sanctions quand il y a des règles, sinon elles ne sont pas efficaces. Mais ces sanctions doivent être proportionnées, (…) 45 000 euros cela me semble excessif. »
À l’issue du conseil des ministres lundi, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a déclaré : « Nous sommes entrés dans une quatrième vague » et « nous devons tout mettre en œuvre (…) pour que cette vague ne soit pas aussi plus dévastatrice », alors que « la couverture vaccinale reste insuffisante » dans l’Hexagone. Finalement, la contravention, en cas de premier manquement à l’obligation de contrôle du pass sanitaire, pourra aller « jusqu’à 1 500 euros », soit bien moins que l’amende de 9 000 euros d’abord envisagée mais retoquée par le Conseil d’État. Gabriel Attal a tenté de rassurer les entreprises, promettant qu’il y aurait « de la souplesse et qu’on sera plutôt dans l’accompagnement que dans la sanction (…) les premiers jours », tout en précisant que ceux qui « ne veulent pas appliquer les règles » devront en assumer les conséquences.
Contacté par France 24 à deux jours de la mise en place des contrôles dans les salles obscures, Marc-Olivier Sebbag, délégué général adjoint de la Fédération nationale des cinémas français, se montre perplexe : « Outre le problème du coût de ces mesures qui sont à la charge des entreprises, ces nouvelles lois posent un réel problème de responsabilité : si le contrôle est mis en place mais qu’il n’est pas optimum et que des personnes parviennent à entrer, qui est responsable ? Comment vont s’organiser les petites structures qui ne peuvent engager du personnel pour effectuer ces contrôles ? Les salariés seraient en droit de refuser cette tâche supplémentaire qui ne correspond pas à leurs attributions… Sur ces aspects, nous attendons des réponses claires du gouvernement. »
Outre l’extension du pass sanitaire, le gouvernement a annoncé une quarantaine obligatoire de 10 jours pour les personnes infectées par le Covid-19 qui prévoit une autorisation de sortie uniquement de 10 h à 12 h. Ce confinement, qui était jusqu’ici une recommandation, suscite également des interrogations quant aux contrôles. « Nous n’avons pas beaucoup de policiers disponibles pour exercer cette mission qui n’est absolument pas dans notre cœur de métier », a prévenu mercredi sur franceinfo Stanislas Gaudon, délégué général du syndicat de police Alliance, alors que le gouvernement souhaite imposer des contrôles policiers et de gendarmerie.
Malgré l’opposition de la France insoumise et du Rassemblement national, les principes du projet de loi sanitaire font l’objet d’une assez large approbation des députés. Après son adoption lundi par le Conseil des ministres, le texte sera examiné à l’Assemblée nationale puis au Sénat dans les prochains jours, en vue d’une adoption définitive d’ici la fin de semaine.
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