France World

Le monde politique marocain à l’ombre de Pegasus

Par Damien Leloup

Publié aujourd’hui à 16h00

Réservé à nos abonnés

EnquêteLe premier ministre, le ministre de l’économie ainsi que plusieurs cadres du PJD, le parti islamiste au pouvoir, ont été ciblés par le logiciel espion.

Ministres, députés, chefs de parti… Au Maroc, les numéros de très nombreux responsables politiques ont été sélectionnés pour un éventuel ciblage par le logiciel espion Pegasus. Et ce jusqu’aux plus hauts niveaux de l’Etat. Des numéros attribués à deux ministres de haut rang figurent notamment dans la liste des cibles potentielles du logiciel espion.

Mais les numéros de téléphone présélectionnés pour une éventuelle infection par l’utilisateur de Pegasus au Maroc concernent de larges pans du monde politique marocain, et notamment des élus du Parti de la justice et du développement (PJD), vainqueur des législatives de 2016, désormais à la tête du gouvernement de coalition. Plusieurs cadres-clés de ce parti islamiste, classé à droite, ont été visés par Pegasus ces dernières années, dont Abdellah Bouanou, le chef du parti, Abdelali Hamieddine, un haut responsable, l’ex-maire de Tanger Samir Abdelmoula ou encore Ghassan Benchiheb, chargé de la communication de la formation sur les réseaux sociaux et considéré comme l’un des principaux artisans de la très puissante présence en ligne du PJD.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi De Rabat à Paris, le Maroc ne lâche pas les journalistes

L’utilisateur marocain de Pegasus semble par ailleurs s’être intéressé de très près aux personnalités clivantes et aux scandales qui ont touché le PJD ces dernières années. Un numéro attribué à Hammad El-Kabbaj, candidat ultraconservateur et controversé investi par le parti, à Marrakech, en 2016, après un scandale de mœurs au sein du PJD, a ainsi été sélectionné comme cible potentielle. Tout comme un numéro d’Amina Maelainine, influente députée du PJD, visée par le logiciel espion longtemps avant qu’elle ne soit l’objet d’une virulente campagne de presse après la publication, début 2019, d’une photographie où elle pose, sans hijab, devant le Moulin Rouge, à Paris, alors que son parti milite pour le port du voile.

Le premier ministre Saad-Eddine El-Otmani devant le Parlement marocain, à Rabat, le 19 avril 2017. Youssef Boudlal / REUTERS

Un autre mouvement islamiste marocain, Al Adl Wal Ihsane, fait également l’objet de toutes les attentions de la part du client de Pegasus. Les numéros d’au moins deux cadres importants de ce mouvement non violent, qui conteste le rôle de commandeur des croyants donné au roi par la Constitution marocaine, ont été sélectionnés comme cibles potentielles, dont celui d’Hassan Bennajeh, l’un de ses principaux leaders. Al Adl Wal Ihsane n’a pas véritablement d’existence légale au Maroc, mais le mouvement y est toléré.

Lire aussi l’éditorial : « Projet Pegasus » : quand la dérive devient la norme

A cette liste déjà longue s’ajoutent les numéros des fondateurs de plusieurs mouvements d’opposition tout à fait légaux, comme celui d’Isaac Charia, président du Parti marocain libéral, et celui d’Omar Balafrej, fondateur du Mouvement Clarté Ambition Courage. Un numéro utilisé par Mohammed Ziane a également été trouvé dans la liste. Mais il est difficile de savoir si ce dernier a intéressé les services de renseignement en tant que fondateur du Parti marocain libéral ou en tant qu’avocat, puisqu’il a notamment défendu le patron de presse Taoufik Bouachrine, condamné en appel, fin 2019, à quinze ans de prison pour violences sexuelles, dans un procès qu’il avait dénoncé comme « politique ». M. Bouachrine et l’ensemble de son entourage apparaissent eux aussi dans les listes des cibles potentielles de Pegasus.

Il vous reste 11.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source

L’article Le monde politique marocain à l’ombre de Pegasus est apparu en premier sur zimo news.